La police maîtrise une manifestante opposée au renvoi en Afghanistan d’un étudiant, à Nuremberg, le 31 mai. | MICHAEL MATEJKA / AFP

L’avion charter affrété par le gouvernement allemand pour reconduire à la frontière des demandeurs d’asile afghans, mercredi 31 mai, a finalement été annulé après l’attentat qui a frappé le quartier des ambassades à Kaboul. Dans un communiqué, le ministre de l’intérieur, Thomas de Maizière, a justifié la décision pour des « raisons d’organisation », l’ambassade allemande, qui « joue un rôle logistique important dans l’accueil des personnes expulsées » ayant été très endommagée par l’explosion. Sur le fond, a-t-il néanmoins précisé, les reconduites à la frontière « sont et restent justes », et seront poursuivies, « y compris en Afghanistan ».

Le gouvernement a conclu à l’automne 2016 un accord de reconduite à la frontière avec l’Afghanistan, qui autorise les rapatriements en groupe. Depuis décembre 2016, l’Allemagne a procédé à 106 expulsions de demandeurs d’asile vers l’Afghanistan. L’an dernier, 128 000 demandes d’asile ont été déposées par des Afghans outre-Rhin. Seul un Afghan sur deux reçoit actuellement un droit de séjour en Allemagne.

Malgré le terrible attentat, Berlin n’entend pas remettre en question sa qualification de l’Afghanistan comme « pays sûr ». Cette position – qui n’est pas partagée par la France – fait depuis longtemps polémique en Allemagne. Mercredi matin, les Verts et Die Linke (gauche radicale) avaient demandé un arrêt immédiat des reconduites à la frontière. « Il est inhumain de continuer à considérer l’Afghanistan comme un pays sûr et d’y renvoyer les gens », a déclaré la présidente de Die Linke, Katja Kipping, qui reproche au gouvernement une réduction systématique du taux d’octroi d’asile aux ressortissants afghans en Allemagne.

Les associations humanitaires critiquent également depuis longtemps les expulsions vers l’Afghanistan. Amnesty International Allemagne et Pro Asyl estiment que les renvois sont « humainement injustifiables » au vu de la détérioration de la situation dans ce pays en 2016 et des nombreuses victimes civiles, notamment des enfants.

Dans la population allemande, le malaise est également perceptible. Lors du Kirchentag, les journées de l’Eglise protestante, qui se sont tenues du 25 au 28 mai, la question de la moralité des expulsions a été plusieurs fois abordée par des jeunes. Mercredi, à Nuremberg, une manifestation de soutien de 300 personnes à un jeune Afghan menacé d’expulsion a tourné à la confrontation avec la police.