François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France. | ERIC PIERMONT / AFP

François Villeroy de Galhau est gouverneur de la Banque de France. Présent au « Forum économique de Bruxelles » jeudi 1er juin, grand rendez-vous des décideurs européens, il fait partie de ceux qui, de plus en plus nombreux, réclament une réforme en profondeur de la zone euro. Mercredi 31 mai, la Commission européenne a publié un document de « réflexion » sur le sujet, prudent mais précis, prônant la création d’un embryon de budget commun et un plus grand contrôle démocratique. « Il est inacceptable que l’on décide du sort de la Grèce entre quatre murs sans contrôle démocratique », a insisté le français Pierre Moscovici, commissaire à l’économie.

« Le statu quo n’est pas possible, « insiste M. Villeroy de Galhau. « Non pas parce que la zone euro serait menacée dans son existence : nous avons surmonté la grave crise de 2011-2012. Mais par rapport à une trajectoire économique : si nous en restons au statu quo, nous ne délivrerons pas la croissance et l’emploi qu’attendent les citoyens. Le taux de chômage moyen en zone euro reste encore trop élevé, à 9 % ».

De fait, depuis qu’à l’été 2015, les pays de la zone euro, spécialement l’Allemagne, ont accepté de débloquer un troisième plan d’aide pour la Grèce, actant leur refus qu’elle sorte de la zone euro, le risque d’éclatement de cette dernière n’est plus du tout d’actualité. Par ailleurs, elle en est à sa cinquième année de croissance : son PIB devrait s’inscrire en hausse de 1,7 % en 2017 selon les dernières prévisions de la Commission.

« Manque de coordination »

« On ne traitera le retard de croissance et de convergence dans la zone euro d’abord par de meilleures réformes nationales, mais aussi par une meilleure coordination européenne des politiques économiques. Ce manque de coordination a déjà coûté entre 2 et 3 points de croissance, soit plus d’une année de retard de croissance : ceci explique en partie le différentiel vis-à-vis des Etats-Unis », ajoute le gouverneur de la Banque de France.

Une réforme d’envergure, la première depuis le lancement de la monnaie unique il y a dix-huit ans, ne pourra se concevoir sans l’impulsion de la France et de l’Allemagne. L’élection d’Emmanuel Macron, un proeuropéen revendiqué qui réclame une « refonte » de l’Union européenne, a changé la donne. Lors de leur première rencontre à Berlin, Angela Merkel a brisé un tabou allemand en laissant ouverte la possibilité du changement des traités européens, « si cela fait du sens ». Les ministres des finances Wolfgang Schaüble et Bruno Lemaire ont annoncé dans la foulée un groupe de travail sur la poursuite de l’intégration de la zone euro.

« Un » deal, « réformes en France contre relance en Allemagne, – que celle-ci soit budgétaire ou salariale – serait souhaitable. Cet accord serait une ambition raisonnable pour la fin de cette année », a affirmé M. Villeroy de Galhau. Cet accord, qui a manqué ces dernières années, Paris et Berlin se considérant avec défiance, réclame un préalable : que la France repasse durablement sous le plafond autorisé d’un déficit public à 3 % de son produit intérieur brut. Une des règles principales du pacte de stabilité et de croissance qu’elle ne respecte plus depuis huit ans. Les Allemands attendent aussi beaucoup de la future réforme du code de travail promise par le président français.

Les autres pays européens auront-ils la volonté de suivre un couple franco-allemand réformateur ? La zone euro a cette réputation de n’être capable de réformes qu’en cas de crise aigue. « Entre les années 1986 et 1992, l’Europe a réussi à mettre en place le marché unique puis la monnaie unique. On n’était pourtant pas dans une période de crise, mais on avait le sentiment que l’équilibre n’était pas tenable », souligne le gouverneur de la Banque de France.

Sort incertain de la Grèce

M. Villeroy de Galhau, comme M. Macron ou M. Moscovici (ce dernier évoque cette possibilité depuis des mois), prône la constitution d’un triptyque : budget, Parlement et ministre des finances de la zone euro. Dans le cas de ce dernier, « il ne s’agit pas seulement d’une figure institutionnelle mais il devrait être le garant d’une stratégie économique collective. » Quant à un budget : « il est très souhaitable, mais il suppose des progrès suffisants en termes de convergence économique et de confiance. Sinon, le risque est cette union de transferts, à sens unique, que redoutent tant les Allemands. »

Reste un point noir : le sort de la Grèce, toujours incertain, alors que le pays, qui a fait l’essentiel des réformes qu’exigeaient ses créanciers (le Mécanisme européen de stabilité, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international), attend toujours un prêt d’au moins 7 milliards d’euros pour pouvoir faire face à des échéances de dette considérables début juillet. Pour M. Villeroy de Galhau, « aujourd’hui, la Grèce a fini par faire sa part de réformes. Il reste maintenant un débat de chiffres entre les créanciers, spécialement le FMI et l’Allemagne, sur ce qu’il faut entendre par dette publique soutenable. Je ne peux pas croire que ces difficultés sont insurmontables. »