L’Etat italien devrait être autorisé à injecter 6,6 milliards d’euros dans BMPS. | GIUSEPPE CACACE / AFP

Bien sûr, il ne s’agit que d’un accord de principe, et il ne sera définitif qu’une fois obtenu l’aval de la Banque centrale européenne. Mais c’est un premier pas encourageant, après six mois de difficiles négociations : le gouvernement italien et la Commission européenne ont annoncé, jeudi 1er juin, qu’ils étaient parvenus à s’entendre sur le plan de sauvetage de Banca Monte dei Paschi di Siena (BMPS), doyenne du système bancaire mondial – elle a été fondée en 1472 – et maillon faible du capitalisme transalpin.

L’Etat italien devrait être autorisé à injecter 6,6 milliards d’euros dans le cadre d’une augmentation de capital de 8,8 milliards d’euros, visant à éviter une faillite aux conséquences potentiellement désastreuses. « C’est une étape positive pour BMPS et pour tout le secteur bancaire italien », s’est félicité jeudi Margrethe Vestager, la commissaire européenne à la concurrence, dans un communiqué.

Lestée par un stock considérable de créances douteuses (près de 28 milliards d’euros) et sous-capitalisée, la troisième banque italienne avait obtenu les pires résultats aux tests de résistance aux chocs conjoncturels organisés en juillet 2016 par l’Autorité bancaire européenne (EBA). BMPS avait bien tenté de lever 5 milliards auprès des marchés, fin décembre 2016, sans succès. Il faut dire que les 8 milliards d’euros réunis lors des deux précédentes augmentations de capital conclues depuis 2014 sont vite partis en fumée, ce qui avait de quoi décourager les investisseurs les plus téméraires.

Dédommagement des épargnants

Outre une nouvelle recapitalisation revenant à une nationalisation de fait – l’Etat italien obtenant environ 70 % du capital –, le plan accepté jeudi par Bruxelles comporte la cession de l’ensemble des créances douteuses (BMPS est entrée en négociations exclusives avec Quaestio Capital, le gérant du fonds de soutien aux banques italiennes Atlante) ainsi qu’un important plan d’économies se traduisant par 5 000 suppressions d’emplois (20 % des effectifs de la banque) et de nombreuses fermetures d’agences.

Surtout, il ouvre la porte à un dédommagement à hauteur de 2 milliards d’euros des quelque 42 000 épargnants italiens ayant acheté de la dette de leur banque, pensant acquérir un produit d’épargne sans risque. Ces derniers auraient pu faire les frais des dispositions du mécanisme de résolution européen qui prévoit, en cas de faillite d’une banque, que les détenteurs d’actions et d’obligations soient mis prioritairement à contribution (« bail in »), plutôt que d’avoir recours à de l’argent public. Un sujet politiquement très sensible en Italie, surtout à l’approche d’élections générales anticipées qui devraient se tenir à l’automne. En 2015, un retraité ruiné par les opérations de « bail in » réalisées lors de la faillite de quatre petites banques toscanes s’était suicidé, provoquant un choc profond dans l’opinion italienne, ainsi qu’une grande défiance contre le gouvernement Renzi.

« Cette opération va faire jurisprudence »

« Cette opération va faire jurisprudence, puisque c’est la première fois qu’un Etat de l’Union européenne utilise la procédure de recapitalisation préventive. Mais ce n’est pas une trahison du mécanisme de résolution, dont s’est dotée l’Europe pour éviter de solliciter les contribuables en cas de défaillance bancaire. L’injection de capitaux publics à titre préventif est inscrite noir sur blanc dans la directive européenne sur la résolution des crises bancaires, et c’est même l’article qui a été le plus discuté », note Nicolas Véron, cofondateur du think tank Bruegel et chercheur invité au Peterson Institute à Washington.

Pour Alan Lemangnen, économiste chez Natixis et spécialiste de l’Italie, « les banques italiennes sont sur une trajectoire positive. Outre les progrès enregistrés dans la résolution de la crise de BMPS, les grands acteurs comme UniCredit et Intesa Sanpaolo accélèrent le nettoyage et la consolidation de leur bilan. Cela veut dire que le système bancaire italien, à terme, ira mieux ».