Face à l’évolution des métiers par le numérique, les mastères spécialisés doivent s’adapter en permanence. | REMY GABALDA / AFP

Protéger une entreprise des attaques informatiques, rentabiliser la formidable quantité de données numériques qui s’accumulent dans tous les secteurs, ou encore mettre à jour un métier bouleversé par le numérique ; c’est pour répondre à ces problématiques d’actualité et à ces nouveaux marchés que les grandes écoles créent chaque année de nouveaux mastères spécialisés. Accessible directement après un bac+5, ou, plus tard, en retournant sur les bancs de l’école après quelques années en entreprise, ces formations ont pour objectif d’offrir une double compétence et une spécialisation dans un domaine précis, peu ou pas abordé pendant une formation initiale, afin de booster ou de relancer sa carrière.

Lancé il y a près de trente-cinq ans par la Conférence des grandes écoles (CGE), le label MS ne se démode pas. Tout comme sa déclinaison Master of Science (MSc) à destination des étudiants étrangers. La raison principale de ce succès repose avant tout sur la capacité de ces formations, quelque 400 MS contre une centaine de MSc, à correspondre au marché du travail.

Le numérique sous toutes ses formes

Selon Christophe Digne, directeur de Télécom ParisSud et président de la commission accréditation de la CGE, si l’évolution des mastères spécialisés « dépend surtout de l’évolution des métiers et de la demande des entreprises en nouvelles compétences », celle des MSc « s’inscrit pour les écoles dans la constitution d’une offre large de formation à destination d’étudiants internationaux ».

Trois axes : business intelligence et big data, cybersécurité, transformation numérique des entreprises

Comme depuis quelques années, les ouvertures de nouveaux mastères spécialisés à la rentrée 2017 répondront « avant tout au besoin des entreprises de s’adapter au numérique, et ce, autour de trois axes », commente Christophe Digne. D’abord les formations liées au « business intelligence et au big data », qui continuent de se multiplier à mesure que s’accumulent, dans tous les secteurs, les mégabases de données que de nouveaux spécialistes doivent organiser et exploiter.

Les compétences en « cybersécurité » seront ensuite au menu de nouvelles formations, le besoin des entreprises en la matière étant croissant, comme l’a montré la récente attaque informatique de portée mondiale. Enfin la « transformation numérique des entreprises » constituera l’épine dorsale d’autres MS, aussi divers que les métiers concernés : communication, gestion des ressources humaines, production, etc.

Armel de la Bourdonnaye, le directeur de l’Ecole nationale des ponts et chaussées où ouvrira en septembre un MS « Smart-Mobility -Transformation numérique des systèmes de mobilité », commente :

« “Design by data”, “modélisation des données du bâtiment”, “smart cities”, etc. : le numérique est en effet souvent au cœur de nos nouvelles formations. Car il crée en permanence de nouveaux outils et services qui transforment les métiers classiques ((ingénieur, architecte, etc.), en développent de nouveaux (data analyst, etc.). »

Même constat du côté de l’EM Normandie, comme l’explique Jean-Guy Bernard, directeur général, qui lance en septembre un MS « Stratégie marketing et développement commercial » :

« En marketing, en innovation, en tourisme, même en médecine, les métiers évoluent avec et par le numérique. On a donc tendance à ouvrir des formations qui permettent aux étudiants déjà diplômés d’être up to date [à jour] par rapport à ces évolutions. »

Fintech et intrapreneuriat

Tous les secteurs sont aujourd’hui bouleversés par le numérique, et de manière continue. Les MS, plus légers, donc plus faciles à faire évoluer que les programmes grandes écoles (PGE), doivent suivre le rythme. Près 20 % du programme d’un MS peut changer d’une année sur l’autre, et plusieurs dizaines voient le jour et disparaissent chaque année.

Optimiser l’efficacité des services financiers et limiter leurs coûts

L’EM Normandie, après avoir mis en route cette année sur son campus d’Oxford une spécialisation de PGE « Banking, Finance and Fintech », envisage de lancer sa version MS à la rentrée 2018. Là encore, l’idée est d’apprendre aux étudiants à utiliser les technologies de l’information et de la communication pour optimiser l’efficacité des services financiers et limiter leurs coûts. L’Inseec MSc & MBA, qui propose des Masters of Sciences non labellisés par la CGE, sera aussi sur le créneau Fintech dès la rentrée prochaine.

Enfin, d’autres écoles s’intéresseront cette année à une autre demande forte des entreprises : l’intrapreneuriat, ou la capacité à mettre en place des projets innovants au sein même d’une entreprise. Le nouveau MS « Start-up et intrapreneuriat » de la Toulouse Business School répond lui aussi à « une demande portée par l’économie numérique », commente Jacques Digout, le directeur de la formation continue chez TBS. Ce MS s’adresse « à la fois aux gens qui ont un projet de création de strat-up, mais aussi à ceux qui doivent innover au sein même d’une entreprise ». L’école d’ingénieurs Centrale Supélec lance aussi en septembre une spécialisation « intrapreneuriat » au sein de son MS Innovation et transformation.

Sciences Po entre dans la course

Membre depuis 2016 de la Conférence des grandes écoles, Sciences Po arrive en septembre sur le marché des mastères spécialisés. Six de ses anciens Executive Masters (sur quatorze) sont déjà transformés en MS.

« A terme l’objectif est de tous les faire passer en MS », précise Nicolas Péjout, directeur de l’Executive Education de Sciences Po. Les intitulés de ces mastères spécialisés, tous « inspirés des sciences sociales, appliquées ici à la décision » détonnent un peu dans le paysage des MS : « Ressources humaines », « management des médias et du numérique », « digital humanities », « management des politiques publiques », « trajectoires dirigeants ».

Nicolas Péjout explique que cette labellisation vise à « objectiver la qualité des formations » en « donnant des repères » aux étudiants qui seraient intéressés. Elle vise aussi à se positionner « en concurrence et en complémentarité » avec les écoles de commerce qui dominent le marché de la formation continue. La dernière raison pour expliquer ce choix tient dans la possibilité pour les candidats à ces formations « d’obtenir plus facilement des financements ».

Depuis la réforme de la formation professionnelle de mars 2014, la CGE souhaite faire reconnaître toutes ses formations MS au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) : 93 le sont déjà, et 43 en cours d’instruction. Ce dernier, qui dépend du ministère du travail, garantit l’adaptation des programmes à l’évolution des qualifications et des métiers. Et ouvre la possibilité aux professionnels souhaitant faire un MS dans le cadre de leur formation continue de se le faire financer, au moins en partie, via leur Congé personnel de formation et leur OPCA (Organismes paritaires collecteurs agréés). Ce qui peut être intéressant lorsqu’on sait qu’un mastère spécialisé coûte entre 3 000 et 20 000 euros selon les écoles.