Un centre d’information et de soins, puis des places d’hébergement à l’hôtel et chez l’habitant : dès la rentrée, Médecins sans frontières (MSF) va se lancer dans l’accueil des jeunes migrants isolés à Paris. Avec ce projet, MSF sort de son rôle traditionnel d’acteur de l’urgence en zone de catastrophe humanitaire – comme elle l’avait fait en début d’année déjà, avec sa « clinique mobile » installée près du centre de premier accueil pour migrants à Paris, porte de la Chapelle.

« Nous comptons ouvrir début septembre un centre d’accueil de jour à Paris, d’une capacité de 50 personnes maximum, qui offrira aux mineurs tous les services – médicaux, sociaux, juridiques – dont ils pourraient avoir besoin », explique Corinne Torre, chef de mission France pour MSF. A Paris, où convergent les exilés, le nombre de migrants se présentant comme mineurs pourrait atteindre 4 500 cette année si les arrivées se poursuivent au rythme actuel, contre 1 200 en 2015. Beaucoup viennent de la Corne de l’Afrique.

Le centre de MSF s’articulera autour de plusieurs « pôles » : une permanence juridique sera assurée par le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) et les avocats du barreau de Paris, un « pôle social » avec sorties et cours de français… Côté médical, des pré-consultations sont prévues ainsi qu’un pôle « santé mentale », car « 25 % auront sans doute besoin d’une attention particulière » et « 5 à 6 % d’une aide psychiatrique ».

L’idée de MSF est partie du constat que le parcours de ces « mineurs non accompagnés » est semé d’embûches, avec notamment une évaluation de leur âge cruciale pour leur avenir. Avant cet entretien décrié par les associations, la ville de Paris les héberge, avec plus de 300 lits disponibles. Ensuite, les moins de 18 ans passent sous la houlette de l’aide sociale à l’enfance (ASE).

Mais 85 % sont évalués « majeurs », souligne Mme Torre. Ils peuvent certes saisir la justice. A Paris, la démarche aboutit à une reconnaissance de minorité dans un dossier sur deux environ, selon le Gisti – même si une partie seulement des jeunes se lance dans la démarche (il y a eu environ 400 désignations d’avocat pour ce type de dossiers depuis le début de l’année).

« 3 000 places en hébergement citoyen »

Pour ces jeunes « il y a un vide » et ils « se retrouvent à la rue », souligne Mme Torre. Car s’ils relèvent de l’hébergement d’urgence, la réalité est souvent plus complexe : dispositifs saturés, autres publics prioritaires, réticences à entrer dans ces structures… Sans compter qu’« un mineur pourra se voir refusé s’il a sur lui des papiers disant qu’il a moins de 18 ans », assure-t-on au Gisti.

Pour MSF, l’aspect le plus ambitieux du projet concerne l’hébergement, puisque l’ONG compte aussi mobiliser des hôtels « d’ici la fin de l’année », avec l’objectif « d’héberger entre 32 et 50 personnes » – justement ces jeunes ayant saisi la justice pour être reconnus mineurs. Le séjour à l’hôtel durera « trois semaines » environ, avant relogement chez des particuliers. « Nous recherchons 3 000 places en hébergement citoyen », explique Corine Torre. Ces jeunes ont en effet besoin d’un point de chute en attendant la décision de la justice, qui peut prendre « jusqu’à quatorze mois », explique-t-elle. Sur ce volet, MSF travaillera avec l’association Utopia 56, qui vient de lancer une plate-forme d’« hébergement citoyen » pour migrants.

Du côté de la Ville de Paris, on assure porter un « regard bienveillant » sur cette initiative « qui ajoute un maillon supplémentaire à la chaîne de solidarité » envers un public vulnérable, l’un des enjeux est d’ailleurs d’assurer une continuité dans leur prise en charge, dit-on. Et d’obtenir une meilleure répartition des efforts concernant les mineurs, qui pèsent essentiellement sur trois départements aujourd’hui : Seine-Saint-Denis, Pas-de-Calais et Paris.

L’objectif de l’ONG est de lancer un « plaidoyer » pour « obtenir que les mineurs soient reconnus comme tels jusqu’au terme de leur procédure en justice », souligne Mme Torre, pour qui le but est clair : « Il faut que l’Etat les mette tous à l’abri. »