Lors de l’annonce du retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris, à la Maison Blanche, le 1er juin. | BRENDAN SMIALOWSKI/AFP

En optant pour un retrait de l’accord de Paris sur le réchauffement climatique, les Etats-Unis s’engagent dans une procédure plus complexe et plus incertaine que ne le laissent supposer les affirmations de Donald Trump, jeudi 1er juin, dans son discours à la Maison Blanche.

  • L’arrêt des financements climat

Le président américain associe la sortie de l’accord conclu à la COP21 à l’arrêt immédiat des engagements financiers sur le climat. Pour M. Trump, l’arithmétique est implacable : moins d’argent dépensé à contenir le réchauffement planétaire, c’est plus d’argent disponible pour créer des emplois et soutenir les familles américaines. Les Etats-Unis vont donc mettre fin à la contribution de l’ordre de 15 millions de dollars (13 millions d’euros) versée chaque année à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) pour en assurer le fonctionnement – soit près de 25 % de son budget. Ce trou financier devrait être comblé par la fondation de l’ancien maire de New York Michael Bloomberg, qui a proposé de débourser les 15 millions manquants.

Les Etats-Unis, qui avaient promis d’abonder le fonds vert pour le climat (mis sur pied pour aider les pays du Sud à financer leur adaptation au changement climatique) à hauteur de 3 milliards de dollars, s’en tiendront au milliard versé sous l’administration de Barack Obama. Lors des arbitrages budgétaires programmés pour l’automne, Washington devrait remettre en cause sa contribution à d’autres fonds climat et au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, dont les Etats-Unis assurent 40 % du budget depuis 1988.

  • L’abandon de la contribution nationale américaine

Dans une déclaration commune en 2014, un an avant la tenue de la COP21, la Chine et les Etats-Unis avaient montré la voie en affichant des objectifs climatiques clairs. La feuille de route de Washington était alors de baisser de 26 % à 28 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2025 par rapport à 2005. Privée de cette « contribution nationale » (non contraignante à la demande expresse des négociateurs américains), la première économie mondiale navigue donc sans objectifs chiffrés de réduction de ses émissions. D’autres Etats, en revanche, s’appuient sur un document programmatique, comme la loi de transition énergétique en France.

  • Une hausse des émissions de gaz à effet de serre

En dépit des propos du secrétaire d’Etat, Rex Tillerson, vendredi 2 juin, assurant que les Etats-Unis disposaient d’un « bilan fantastique en termes de réduction de [ses] propres émissions de gaz à effet de serre », le retrait américain s’apparente à un permis à exploiter davantage d’énergies fossiles et à polluer. Selon les estimations de Niklas Höhne, chercheur au NewClimate Institute, la sortie des Etats-Unis combinée à l’abrogation des mesures de lutte contre le réchauffement prises par l’administration Obama ajouterait l’équivalent de 500 millions de tonnes de CO2 aux émissions de gaz à effet de serre américaines à leur niveau de 2030.

  • La relance peu probable du charbon

L’accord climat menace l’emploi des ouvriers américains, notamment des mineurs de charbon, assène Donald Trump. Pourtant, une sortie de l’accord n’est pas nécessairement synonyme d’une relance de ce secteur peu compétitif face à celui des énergies renouvelables, qui employait 769 000 personnes en 2015 (contre 50 000 mineurs). L’industrie solaire a crû de 25 % en 2016. Dans un communiqué datant du 1er juin, l’association des charbonniers s’inquiète même de la décision isolationniste prise par Donald Trump, qui risque de limiter l’accès des entreprises américaines aux nouvelles technologies de « charbon propre », en plein essor sur le marché mondial.

  • Une place à redéfinir dans les négociations climat

Un pied dedans, un pied dehors. Telle sera la ligne de conduite de la délégation américaine dans les mois à venir. Car l’annonce, jeudi 1er juin, d’une sortie de l’accord « à partir d’aujourd’hui » est trompeuse. Comme le stipule l’article 28 du document adopté à Paris, un délai incompressible de quatre ans (à partir de l’entrée en vigueur en novembre 2016) s’impose à tout pays qui souhaite quitter l’accord.

Les Etats-Unis gardent donc, jusqu’en 2020, leur place dans les instances ou à la prochaine conférence climat, la COP23, en novembre. Deux options s’offrent à eux : pratiquer la politique de la chaise vide ou, au contraire, intervenir dans les débats en cherchant à freiner un processus dénoncé, depuis jeudi, par le président en personne.

Washington n’assumera plus le leadership qu’il partageait depuis plusieurs années avec Pékin. La redistribution des cartes de la diplomatie climat ne s’est pas fait attendre puisqu’un sommet Union européenne-Chine s’est conclu vendredi 2 juin par un engagement des deux parties à réduire la part des énergies fossiles et œuvrer à la levée de 100 milliards de dollars, par an, d’ici à 2020, pour aider les pays les plus vulnérables. La France et surtout l’Allemagne, pays hôte du G20 en juillet et de la COP23 en novembre, semblent disposées, elles aussi, à entretenir la dynamique enclenchée fin 2015.