Un mémorial pour les victimes de l’attentat du 4 juin à Londres. | Yui Mok / AP

Elle ne s’y attendait pas et cela a été plus fort qu’elle. Florence, professeure retraitée avoue avoir eu « une crise de larme nerveuse », samedi soir, en découvrant l’horrible scénario des attentats du London Bridge et de Borough Market. « C’est la première fois. Sans doute l’aspect répétitif, dit-elle comme si elle devait s’excuser. On ne voit pas la fin de ce cycle de violences. Et puis on se sent tellement impuissant face à cette idéologie. »

Comme beaucoup des Français venus voter ce dimanche 4 juin au lycée Churchill de Wembley pour les législatives (organisées avec une semaine d’avance pour les Français de l’étranger), elle est profondément choquée par l’attentat qui a fait sept morts dont un compatriote.

Mais alors que la plupart des électeurs interrogés considèrent l’événement comme une réplique des tragédies qui ont endeuillé la France, la Belgique ou l’Allemagne, elle « en veut à l’Angleterre qui a longtemps laissé les prêcheurs islamistes dire n’importe quoi » au nom de la liberté d’expression.

La peur du racisme

Trois attentats en moins de trois mois en Angleterre dont deux à Londres. « Le pire, c’est que l’on s’habitue », enchaîne Solène, styliste de mode installée à Londres. Enfin pas tout à fait : elle craint un raidissement de l’opinion britannique : « tout le racisme enfoui va s’exprimer. Theresa May va en bénéficier » lors des élections législatives britanniques prévues jeudi 8 juin. A la présidentielle, en dépit de l’attentat sur les Champs Elysées, « les Français n’ont pas trop laissé leurs émotions s’exprimer » car leur carapace était déjà épaisse : Charlie, le Bataclan, Nice, etc. « Mais les Britanniques ont moins l’habitude » et Solène craint une réaction xénophobe : « Les Britanniques régissent différemment. Ils n’expriment pas ouvertement leur colère. »

Eric, courtier à la City, est impressionné par les multiples réactions de solidarité enregistrées autour de London Bridge. « Londres témoigne d’une résilience incroyable. Autour de moi, tout le monde s’attendait à ce que cela arrive, ce n’était qu’une question de temps. C’est malheureux à dire, mais cela nous rapproche, cette impression de déjà-vu à Paris, Bruxelles ou Berlin. C’est le monde dans lequel on vit. »

Au-delà du cliché, le flegme apparent des Britanniques impressionne Alexandre, ingénieur. « Ils réagissent très positivement vue la répétition des horreurs. Sans doute parce qu’ils ont connu cela du temps des attentats des républicains irlandais de l’IRA. »

L’Union Jack sur les réseaux sociaux

Pour Stéphanie, paysagiste et Hortense, graphiste, la répétition génère une terrible banalisation mais encourage aussi la solidarité : « Des Français mettent l’Union Jack sur les réseaux sociaux. Ils se disent qu’ils sont déjà passés par là. Tout le monde veut que la vie continue. »

Maud, infirmière à Londres depuis trois ans, commence par exprimer son « horreur ». « L’Angleterre, c’est devenu presque comme en France, constate-t-elle. Bizarrement, cela rapproche les Européens. On voit que ce n’est pas une question de frontière. Les Britanniques qui se croyaient protégés par leur insularité se rendent à l’évidence. Frontière ou pas, on n’est plus en sécurité nulle part. »

C’en est au point que des Français de Londres se demandent s’ils ne vont pas désormais réfléchir à deux fois avant de sortir dans les lieux publics. Les multiples festivals estivaux organisés dans les parcs de Londres attirent Solène. « Mais je n’ai pas envie de foule en ce moment », avoue la jeune femme.

Lundi, au bureau, elle sait que les conversations tourneront autour de la peur des attentats dans le métro. Mais elle sait aussi que l’« on oubliera vite », que « la vie reprendra son cours pour ceux qui n’ont pas été touchés » et c’est justement cela qui la trouble. On passera à autre chose. « Tout va si vite à Londres. »