Donald Trump à Washington, le 6 juin 2017. | JOSHUA ROBERTS / REUTERS

L’administration américaine aurait sans doute préféré que Donald Trump se contente de houspiller la presse sur Twitter, mardi 6 juin. Alors que le département d’Etat a fait savoir officiellement que les États-Unis espérent que la crise qui oppose l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et leurs obligés au Qatar soit réglée par la diplomatie, le président a pris nettement parti pour Riyad et Abou Dhabi.

« Au cours de mon récent voyage au Moyen-Orient, j’ai déclaré qu’il ne pouvait plus avoir de financement pour l’Idéologie Radicale. Les dirigeants ont désigné le Qatar - Voyez ! », a écrit M. Trump sur le réseau social en soutenant sans la moindre nuance des accusations saoudiennes et émiraties exprimées de longue date à l’encontre de Doha.

Dans un autre message, le président a même espéré que cette crise soit « peut-être » synonyme du « début de la fin de l’horreur du terrorisme ».

Circonspection à Washington

La veille, l’ambassadrice américaine au Qatar, Dana Shell Smith, une diplomate de carrière en poste depuis 2014, avait répondu à sa manière aux accusations de Riyad et d’Abou Dhabi en republiant sur Twitter deux messages datant d’octobre 2016 soulignant les efforts de l’émirat dans la lutte contre le financement du djihadisme.

Doha est partie prenant de la coalition mise sur pied par le prédécesseur de M. Trump, Barack Obama, pour lutter contre l’organisation Etat islamique (EI). Le Qatar héberge surtout une importante base aérienne américaine à Al-Udeid, centrale pour l’organisation des raids contre l’EI. Ironie de l’histoire : les forces américaines s’y sont installées après avoir quitté l’Arabie saoudite en 2003.

Interrogé dans les couloirs du Congrès alors qu’il n’avait pas encore pris connaissance du message, le président républicain de la commission des affaires étrangères du Sénat, Bob Corker, est resté médusé.

Le message du président a laissé circonspect le Pentagone. « Je ne peux vous être d’aucune aide », a répondu son porte-parole, Jeff Davis, aux questions des journalistes au cours d’une conférence de presse. Il a ajouté toutefois qu’« au niveau des opérations militaires », la crise « n’a pas eu d’impact » pour l’armée américaine. « Nous continuons d’être reconnaissants aux Qataris pour leur soutien de longue date à notre présence et nous n’avons pas de projet de changer notre position au Qatar », a-t-il conclu.

Les Etats-Unis veulent une « désescalade » rapide, assure Spicer

Tout en estimant que les messages sur Twitter de M. Trump avaient la même valeur qu’un communiqué officiel de la Maison Blanche « parce qu’il est le président des Etats-Unis », son porte-parole, Sean Spicer, a indiqué pour sa part que les États-Unis souhaitent une « désescalade » rapide et un rétablissement d’une « coopération » régionale jugée indispensable. Il a ajouté que le président avait été ravi de l’entretien qu’il avait pu avoir avec l’émir du Qatar, le cheikh Tamim Al-Thani, lors du sommet régional organisé à Riyad, le 21 mai.

L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis reprochent au Qatar son positionnement régional, à la fois sa modération vis-à-vis de l’Iran, qui partage avec l’émirat un important gisement gazier offshore, et son soutien à l’organisation des Frères musulmans. Des élus républicains du Congrès souhaitent également que ce mouvement présent dans de nombreux pays de la région soit inscrit sur la liste noire américaine des organisations terroristes.

Depuis son adoption en 2016, une loi, le Justice Against Sponsors of Terrorism Act, vise pourtant directement l’Arabie saoudite. Elle permet à des cours fédérales américaines de poursuivre des États étrangers liés à des actes terroristes. L’objectif affiché est de permettre à des familles de victimes du 11-Septembre de se tourner contre Riyad. Quinze des dix-neuf kamikazes impliqués dans ces attaques étaient en effet de nationalité saoudienne.