Documentaire sur Canal+ à 20 h 50

Bande-Annonce du documentaire Les Guerriers de l'Ombre
Durée : 00:41

Ils n’ont pas de visage ni de voix. Encore moins de nom et d’identité. Ce sont des clandestins, des « guerriers de l’ombre », des espions qui, pendant des années, ont travaillé pour la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), le contre-espionnage français. On a déjà pu découvrir une partie de leur travail dans la série Le Bureau des légendes, d’Eric Rochant, mais, cette fois-ci, la réalité dépasse la fiction.

Ce sont de vrais agents secrets du « service clandestin » (une unité qui ne figure toujours pas dans l’organigramme de la DGSE) qui, pour la première fois, devant la caméra de Frédéric Schoendoerffer – réalisateur en 2004 de la fiction Agents secrets –, expliquent en détail leurs missions à Jean-Christophe Notin, spécialiste des conflits français contem­porains. Ce dernier signe également un livre d’entretiens du même nom aux éditions Taillandier (304 pages, 18,90 euros).

Tous debout en contre-jour devant une grande baie vitrée ouvrant sur les toits de Paris qui dessine leurs ombres, ces treize officiers de renseignements (dont une femme) ont entre 40 et 60 ans. Ils ont travaillé dans la clandestinité sous fausse identité et crapahuté sur tous les points chauds de la planète afin d’y recueillir les meilleurs renseignements dont a besoin l’autorité politique et militaire pour prendre des décisions. Mais, prévient leur chef, toutes leurs actions doivent rester confidentielles car, en cas d’échec, personne ne doit pouvoir attribuer la paternité de ces actions à la France.

Elephant adventures

Les dégâts politiques de l’affaire du Rainbow-Warrior, en 1985, où l’identité de deux agents de la DGSE ayant saboté le navire de Greenpeace fut révélée, sont là pour le rappeler. Ainsi que la mort de Denis Allex, agent du « service clandestin » capturé en Somalie par les djihadistes de ­Al-Chabab le 14 juillet 2009 puis ­exécuté, alors que le service action de la DGSE tentait de le libérer, le 11 janvier 2013.

A tour de rôle, ces espions qui ont choisi de quitter le travail clandestin, racontent leur recrutement, leur motivation, leur formation, leurs angoisses à agir dans une duplicité permanente, le mensonge et l’humilité. Ils évoquent aussi leurs réussites et leurs échecs professionnels, les conséquences sur leur vie de famille qui se finit, la plupart du temps, par un divorce. Leurs récits confirment que ces officiers traitants n’ont rien à voir avec les clichés véhiculés dans la plupart des films.

L’importance du terrain

« Je voulais qu’ils disent la part d’abnégation, de courage mais aussi de satisfaction et de peur qu’ils m’avaient si souvent racontée en privé, explique Jean-Christophe Notin. Ce sont des Français pour le moins singuliers puisque prêts à prendre beaucoup de risques pour la sécurité de leurs concitoyens sans attendre la moindre reconnaissance. » A l’heure des drones, des satellites et des écoutes électroniques, certains rappellent d’ailleurs l’importance du renseignement humain sur le terrain afin d’éviter les erreurs.

Loin d’être un film hagiographique ou de propagande, Les Guerriers de l’ombre dresse un portrait sobre et humain de cette poignée d’hommes et femmes qui ne sont connus de leurs collègues et de la hiérarchie que sous leurs pseudonymes. « La reconnaissance n’est pas leur moteur et je trouve qu’il y a une valeur d’exemple dans tous ces témoignages », dit Frédéric Schoendoerffer.

Les Guerriers de l’ombre, de Frédéric Schoendoerffer et Jean-Christophe Notin (France, 2017, 90 min).