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Dans le feu d’artifice des multiples expositions africaines à Paris ce printemps, les artistes étaient à l’honneur. A la Villette, à l’institut du Monde Arabe, à la foire Art Paris, à la fondation Louis Vuitton, au Quai Branly, il n’était question que d’eux, les peintres, les sculpteurs, les créateurs du continent. Et les auteurs ?

Les voici de retour, après leur participation au nouveau Pavillon des Lettres d’Afrique du salon du livre de Paris. Le Columbia Global Centers de Paris et la Bibliothèque nationale de France organisent le « Week-end des Écrivains du monde », du 9 au 11 juin 2017. De grands noms de la littérature africaine et des Caraïbes discuteront durant ces trois jours de thématiques très actuelles – et qui, en vérité, sous-tendent la création artistique de toutes les expositions susmentionnées – telles que le retour d’exil, le langage et la mémoire.

Sur le thème « le monde est mon langage », les deux Congolais Emmanuel Dongala et Alain Mabanckou parleront vendredi 9 juin de leurs langues, celle de la naissance, celle que l’on apprend, celle dont on hérite. L’un et l’autre ont parcouru ce grand triangle de l’Afrique natale à l’Europe de leurs accomplissements littéraires en passant par l’Amérique. Emmanuel Dongala, qui a fui Brazzaville au moment de la guerre civile, a trouvé refuge aux Etats-Unis grâce à l’écrivain Philip Roth et y a enseigné à la fois la littérature et… la chimie. Alain Mabanckou, prix Renaudot pour son roman Mémoires de porc-épic, enseigne la littérature francophone à l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA).

L’écrivain congolais célébré par le Collège de France, avec trois autres auteurs, Séverine Kodjo-Grandvaux, philosophe et journaliste, correspondante du Monde Afrique à Douala, Achille Mbembe, historien et enseignant à l’université de Witwatersrand, à Johannesburg, et l’économiste Felwine Sarr, professeur à l’université Gaston-Berger à Saint-Louis et auteur du très remarqué Afrotopia (Philippe Rey, 2016), s’attachera aussi, samedi 10 juin, à « penser l’Afrique de demain ». Quel visage prend le continent dans ce monde de capitalisme globalisé ? Comment le continent peut-il décoloniser les savoirs, se réapproprier son destin, revaloriser ses langues, défendre la richesse et la diversité de ses cultures ? Autant de questions qui ont animé les Ateliers de la pensée organisée à Dakar et Saint-Louis en octobre dernier et que l’on retrouve dans les actes Écrire l’Afrique-Monde, paru ce 1er juin aux éditions Philippe Rey et aux éditions Jimsaan pour l’Afrique.

Achille Mbembe, philosophe et professeur d’origine camerounaise. | Editions La Découverte

L’énigme du retour

Le même jour, l’auteure Kidi Bebey, le romancier Max Lobe, lauréat du prix Kourouma 2017, et Abdourahmane Waberi, écrivain et chroniqueur, notamment pour Le Monde Afrique, s’interrogeront sur « l’énigme du retour », titre éponyme du roman qui valu le prix Médicis à Dany Lafferière, et dont on aura entendu résonner la poésie virtuose le 9 juin au soir à travers la lecture musicale d’Arthur H accompagné du guitariste Nicolas Repac. A quel monde appartient-on après l’exil ? Devient-on étranger à son propre pays ? Quelle vie dessiner dans les traces de l’exil de ses parents ?

Femme de culture, l’ancienne garde des sceaux Christiane Taubira, que l’on pourra découvrir comme auteure au Festival d’Avignon en juillet, évoquera, avec John Edgar Wideman, figure des lettres africaines-américaines, récompensé à deux reprises par le PEN/Faulkner Award for fiction, la puissance de la littérature face aux situations d’injustice. Comment mettre en mots les maux pour panser les plaies de notre siècle et saper les fondements d’une société inégalitaire et raciste ?

C’était là tout le combat de James Baldwin, lui qui nous rappelait en 1972 dans Chassés de la lumière que « toutes les nations occidentales sont prisonnières d’un mensonge, celui de leur prétendu humanisme », elles qui ont inventé le « problème noir ». James Baldwin qui, après son retour d’Europe, écrira : « Non seulement je ne pouvais pas me réhabituer à la vie new-yorkaise mais je ne le voulais pas : je ne serai plus jamais le nègre de personne ». I am not your Negro, le documentaire coup de poing que Raoul Peck a réalisé sur l’auteur de La Prochaine fois, le feu, sera projeté dimanche 11 juin au cinéma l’Arlequin avant un débat entre l’essayiste Caroline Fourest et la romancière Tania de Montaigne, auteure de Noire (Grasset, 2015).

« Week-end des écrivains du monde, résonances Afrique Caraïbes », du 9 au 11 juin 2017, au Reid hall du Colombia Global centers, 4 rue de Chevreuse, 75006 Paris.