Devant la mairie de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), quelques dizaines de personnes sont rassemblées, mercredi 7 juin, en fin d’après-midi, au pied d’un immeuble décati, muré car menaçant ruine, à l’initiative de l’association Droit au logement (DAL). A quelques jours du premier tour des législatives, le 11 juin, elles tiennent des pancartes réclamant « Pas de marchand de sommeil à l’Assemblée nationale » et « un logement décent pour tout.e.s ». C’est dans cet immeuble de béton grisâtre que la candidate de La République en marche (LRM) de la 2e circonscription de Seine-Saint-Denis, Véronique Avril, est soupçonnée d’avoir loué à « un tarif exorbitant » un appartement de 23 m2 à une famille de cinq personnes, comme l’a révélé Mediapart le 29 mai.

Le parquet de Bobigny a ouvert une enquête pour « perception de loyer pour l’occupation d’un local ayant fait l’objet d’une injonction pour insalubrité, dangerosité ou suroccupation ». Benoît Ménard, l’animateur du comité local d’En marche ! pour Pierrefitte-sur-Seine et Villetaneuse, a écrit à Emmanuel Macron pour s’indigner du maintien de l’investiture à Véronique Avril par « le comité d’éthique de La République en marche ».

L’épisode domine la campagne locale. Un tract anonyme reproduisant des articles de presse et intitulé « Véronique Avril, candidate de Macron marchande de sommeil » a été diffusé dans les boîtes aux lettres de la circonscription.

Une candidate essaie de tirer profit de cette circonstance locale qui pourrait tenir la circonscription à l’écart de la vague macroniste aux législatives. A 32 ans, Hayette Hamidi, investie par Les Républicains (LR), est l’une des six candidats de Sens commun, le mouvement interne aux Républicains issu des mobilisations contre le mariage pour tous. Elle ne nourrit pas beaucoup d’illusions sur son résultat, dimanche 11 juin, dans cette circonscription qui vote massivement à gauche depuis toujours. Mais elle se sert de la campagne comme point d’ancrage : elle compte mener l’assaut, dans trois ans, à la mairie de Saint-Denis, détenue par le Parti communiste depuis le congrès de Tours (1920).

Casier judiciaire vierge

Elle espère faire basculer la ville à droite comme d’autres du département lors de précédents scrutins, notamment le Blanc-Mesnil, dont elle est conseillère municipale.

« Comme je suis jeune et nouvelle, on me demande souvent si je suis pour Macron », s’amuse la jeune femme. Une aubaine quand, localement, on partage « le même électorat ». Certains des thèmes de sa campagne ne sont d’ailleurs pas éloignés des marqueurs de ce début de quinquennat. Sur un tract appelant à une « République propre », elle a reproduit un extrait de son casier judiciaire (vierge) et son certificat d’aptitude à la profession d’avocat. « La gauche ne respecte pas la parité », s’indigne-t-elle, même si LR est le parti qui présente le moins de femmes à ces législatives.

Mais son premier créneau, dans cette campagne, c’est la sécurité. « Ici, toutes les catégories sociales réclament de la sécurité », affirme-t-elle en décrivant une situation très problématique à Saint-Denis. « Cette insatisfaction, c’est un vrai levier dans une zone où la droite n’a pas bonne presse. Elle permet de revenir aux fondamentaux de la droite : méritocratie, effort, famille. Ça leur parle », fait-elle valoir.

Dans son appartement de la cité Romain-Rolland, Fatiha témoigne de ce sentiment. « On ne peut pas se balader à Saint-Denis avec un sac », affirme cette habitante. Sa fille de 20 ans s’est fait arracher le sien par un conducteur de scooter et voler son portable devant son école. « Il faut voter pour que ça change. Votez bleu ! », lance la candidate aux habitants qui lui ouvrent leur porte.

Tourner la page de la présidentielle

Hayette Hamidi tracte très tôt le matin dans les gares de la circonscription et fait du porte-à-porte en fin de journée. « Tout ça en jeûnant [pour le ramadan]. Autant dire que le soir, je n’ai plus de salive ! », glisse cette prolixe militante, dont la famille est arrivée d’Algérie en 1949. Son premier engagement politique a été, en 2012, dans La Manif pour tous contre le mariage gay. Souvent issus des rangs catholiques, ses organisateurs ont eu à cœur de la mettre en avant pour attester de la diversité de la mobilisation.

« Après avoir beaucoup promis aux électeurs des quartiers, la gauche de Hollande n’a ensuite rien fait pour eux et a consacré les premiers mois de son quinquennat au mariage gay », accuse-t-elle aujourd’hui. Elle a ensuite fait partie de la liste de droite qui a conquis la mairie (PCF) du Blanc-Mesnil.

Aujourd’hui, elle a hâte de voir se tourner la page de la présidentielle, où Sens commun avait été au cœur de la campagne pour François Fillon. Sur ses prospectus, elle s’affiche aux côtés d’Alain Juppé, de Valérie Pécresse et de François Baroin. De Sens commun, elle conserve pour sa campagne son opposition à « la marchandisation du corps des femmes, comme les mères porteuses ».

Face au député socialiste sortant Mathieu Hanotin et au candidat PCF-France insoumise Stéphane Peu, Hayette Hamidi veut être « la candidate du renouveau » pour une population diverse dont elle est issue. « Vous me reverrez dans trois ans », annonce-t-elle aux Dyonisiens.

Les candidats de la 2e circonscription de Seine-Saint-Denis

Nadir Nini (div.), Dieunor Excellent (div.), Vesna Scekic (UDI), Mossaab Ouertatani (PFM), Kamal El Mahouti (AEI), Philippe Jullien (LO), Abdel Hocini (div.), Philippe Caro (div. g.), Stéphane Peu (LFI), Hayette Hamidi (LR), Martine Decius (UPR), Bekhan Yagoulbaev (DLF), Véronique Avril (LRM), Estelle Arnal (FN), Catherine Billard (NPA), Alicia Level (div.), Mathieu Hanotin (PS), Laurent Servières (EELV), Jérôme Sinpaseuth (div.).