Sarah Belouezzane, journaliste au service politique du Monde chargée des questions économiques et sociales a répondu aux interrogations des internautes à propos de la réforme du code du travail présentée par le premier ministre, Edouard Philippe, et la ministre du travail, Muriel Pénicaud.

Mp : La ministre du travail a indiqué que la loi prévaudrait toujours sur les accords d’entreprise mais qu’elle entrerait moins dans les détails. Est-ce que cela signifie que nous n’aurons plus de durée de travail maximum, de salaires minimum… au niveau national ? Quelles règles ne feront plus partie de la loi mais seront à décider par entreprise ?

Sarah Belouezzane : Le gouvernement veut en effet rediscuter avec les syndicats des thèmes pourraient relever de l’entreprise, et desquels seraient plutôt du ressort de la branche. Beaucoup de choses sont sur la table, et les consultations qui débutent lundi 12 juin ont justement pour but d’examiner ça. Pour autant, la durée de travail hebdomadaire de 35 heures, et donc le seuil de déclenchement des heures supplémentaires ne devrait pas, à ce stade, être concernée par les discussions. Idem pour le salaire minimum qui relèvera toujours de la loi.

SS25 : Que va changer concrètement la réforme du code du travail du président Macron pour les micro-entrepreneurs : chômage, retraite, etc. ?

Le président souhaite étendre l’assurance-chômage pour les auto-entrepreneurs. Il souhaite aussi que le régime de retraites soit le même pour tous. Y compris, les auto-entrepreneurs. Le président a plusieurs fois répété qu’il souhaitait que chaque euro cotisé donne les mêmes droits à tous. Reste à savoir dans quelle mesure cela va impacter les cotisations des auto-entrepreneurs.

Belatar : Est-ce que ça a du sens de dire que le CDI est maintenu, comme le fait la ministre, si son contenu est amendable localement ?

Le CDI est en effet maintenu. Nous ne savons pas encore dans quelle mesure son contenu pourrait être amendable. Interrogées à plusieurs reprises, les équipes du ministère ont répondu que la réforme ne toucherait pas au contrat de travail.

Willhems : Est ce que la réforme du code du travail contiendra bien la possibilité de démissionner avec indemnités de chômage une fois par tranche de trois ans ? Et si oui quand cette mesure serait applicable ?

Cette réforme est bien prévue – même s’il s’agit d’une fois tous les cinq ans et non tous les trois ans –, mais pas dans la refonte du code du travail. Elle interviendra à la rentrée, probablement dans la loi de financement de la sécurité sociale.

Croucrou : Risque-t’on d’entrer dans une politique d’enchères dans le moins-disant social entre entreprises, comme on a pu le voir dans le domaine de l’informatique ces trente dernières années ? La primauté aux accords d’entreprise avec des référendums dont on sait comment les « orienter » avec des pressions bien placées est inquiétante…

Selon certains économistes et nombre de syndicats, le risque existe. Mais il est impossible de prédire ce qui sera fait au niveau des entreprises et comment les partenaires sociaux vont réagir. Les partisans d’une telle réforme rappellent que dans les sociétés, les syndicats signent la plupart des accords. Et qu’ils ne se laissent pas forcément faire.

Pauline : Quels changements pour le travail de nuit ?

S’il est décidé, à l’issue des consultations, que le sujet peut être négocié au sein de l’entreprise, les horaires à partir desquels on considère que le travail de nuit commence pourraient par exemple varier. Il est difficile de préjuger des modifications concrètes avant la fin des discussions, la rédaction des ordonnances et la prise en main par les entreprises de la nouvelle législation.

Ubergine : Concernant le plafonnement l’indemnisation prud’homale, est-ce que ce n’est pas une porte ouverte aux entreprises qui pourront facilement budgétiser des licenciements massifs de manière abusive. Serait-ce également un moyen de contourner les plans sociaux ?

S’il y a un plafond, les entreprises peuvent provisionner en effet. Pour autant, cela n’a rien à voir avec le déclenchement d’un plan social. On ne sait pas, pour l’instant, si le seuil de déclenchement d’un tel plan (nombres de personnes licenciées) va évoluer.

Patrick 42 : Ne pensez vous pas que ce plafonnement enlèverait du pouvoir aux juges ? Et de fait serait retoqué par le Conseil constitutionnel ?

C’est en effet un argument soulevé par certains juristes. Mais il y a controverse, tous ne sont pas d’accord sur la question. Lorsqu’une telle disposition avait été invalidée par le Conseil constitutionnel lors de la loi Macron en 2015, les sages n’avaient pas mentionné que le dispositif en soi posait un problème de principe.

Nico : Comment pensez-vous que les syndicats peuvent interférer dans les négociations, à partir du moment où les jeux semblent fait d’avance ?

Le gouvernement a répété à plusieurs reprises que les choses n’étaient pas écrites. Et que les syndicats seraient entendus. Que leurs voix pèseraient dans les décisions. Jusqu’à présent, il y croyaient. Mais la fuite de certains documents dans la presse cette semaine a jeté le trouble dans leurs esprits, ce qu’ils ont exprimé. La difficulté de l’exercice réside dans le fait que les ordonnances doivent être rédigées au fur et à mesure des discussions afin d’être publiées avant la fin de l’été. Certains craignent qu’il n’y ait pas assez de recul.

A. : L’extension du régime d’assurance-chômage aux démissionnaires et aux indépendants ne pourrait-elle pas être élargie aux agents du secteur public ? Concernant la hausse de la CSG, comment sera-t-elle compensée pour les fonctionnaires (la suppression de la CES ?)

A priori tous les démissionnaires sont éligibles, mais cela reste encore à préciser. Nous en saurons plus à l’automne. Pour ce qui est des compensations à la hausse de la CSG, Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, a donné rendez vous aux syndicats de fonctionnaires à la rentrée pour une discussion.