Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne, le 8 juin. | INTS KALNINS / REUTERS

Le changement est symbolique. Mais dans l’univers ultracodé des banquiers centraux, où chaque mot compte, il est majeur. Réuni jeudi 8 juin à Tallinn, la capitale estonienne, le conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) a subtilement modifié sa communication.

L’institut monétaire a, en effet, indiqué qu’il conserverait ses taux au niveau actuel pendant une période prolongée. Mais, contrairement à ses précédents communiqués, il a ôté toute référence à une possible baisse. Le principal taux directeur, qui détermine le loyer de l’argent, ne passera donc pas sous la barre de 0 %, tandis que le taux dépôt, aujourd’hui à – 0,4 %, ne plongera pas plus loin en territoire négatif. « Cela correspond à un durcissement de la position de la BCE, certes très léger, mais cela n’était pas arrivé depuis 2011 », constate Frederik Ducrozet, économiste chez Pictet, dans une note sur le sujet.

« Dynamique plus forte »

Cela signifie surtout que l’institution est plus optimiste sur l’activité économique. Mario Draghi, son président, a salué la « dynamique plus forte » de la croissance européenne, ajoutant que « le risque de déflation » a disparu. Prenant acte de cette embellie, les économistes de la BCE ont revu leurs prévisions à la hausse. Pour 2017, ils tablent désormais sur une croissance de 1,9 % dans la zone euro (contre 1,8 % estimé en mars), puis de 1,8 % en 2018 (1,7 %) et 1,7 % en 2019 (1,6 %).

Lors de sa conférence de presse, l’Italien a souligné l’importance de se montrer « confiant » sur la reprise. Mais aussi d’être « patient » et « persévérant ». Car l’inflation, elle, n’est toujours pas au rendez-vous. En avril, elle est en effet ressortie à 1,4 %, loin de la cible de 2 % que s’est fixée la BCE. La hausse des prix observée en début d’année était uniquement liée au rebond des cours du pétrole, aujourd’hui stabilisés. Résultat : l’inflation se tasse à nouveau. L’institut de Francfort juge désormais qu’elle ne devrait guère dépasser 1,5 % cette année et 1,3 % l’an prochain, contre 1,7 % et 1,6 % estimé précédemment.

Chômage trop élevé

Mais ce n’est pas tout. A 9,3 %, le taux de chômage de l’union monétaire est encore trop élevé pour que les salaires commencent à remonter – or, la hausse des rémunérations est le principal moteur de l’inflation. « En outre, une bonne partie des emplois créés sont de faible qualité », a détaillé M. Draghi. C’est-à-dire des postes à temps partiel subis ou des contrats très précaires. Il faudra donc attendre de longs mois avant d’observer des pressions haussières sur les salaires…

Dans ces conditions, la BCE juge bon de poursuivre son programme de rachats de dettes publiques et privées (60 milliards d’euros par mois), baptisé quantitative easing en anglais (le « QE »), au moins jusqu’à décembre. Tout en se gardant le droit d’en augmenter le volume si besoin. En effet, le QE contribue à maintenir des taux d’emprunt très bas pour les Etats et les entreprises. De quoi aider ces dernières à investir et à embaucher…

Selon les observateurs, la BCE devrait désormais laisser passer l’été et attendre sa réunion de rentrée, le 7 septembre, pour évoquer de nouveau sa stratégie future. Et indiquer à quel rythme elle pourrait commencer à réduire prudemment le rythme de ses rachats de dettes, courant 2018.