Deux militants anti-Brexit manient des marionnettes de Theresa May et Jeremy Corbyn devant le Parlement, à Londres, jeudi 8 juin 2017. | Markus Schreiber / AP

A Bruxelles, c’est la surprise et l’expectative qui dominaient, vendredi 9 juin au matin, au lendemain des élections britanniques qui ont vu les conservateurs perdre leur majorité absolue et Theresa May rater son pari. La première ministre britannique avait convoqué ces élections anticipées mi-avril, espérant profiter de la faiblesse des travaillistes pour asseoir davantage son autorité et obtenir un « mandat fort et clair » afin de négocier le Brexit.

Pendant la campagne, Mme May avait annoncé que les discussions sur la sortie de l’Union européenne (UE) commenceraient le 19 juin. Qu’en sera-t-il désormais ? Qui sera le chief negotiator côté britannique ? Quelle sera sa feuille de route ? Celle d’un hard Brexit, une sortie brutale de l’Union, c’est-à-dire sans accès au marché intérieur et à l’union douanière, telle que préconisée jusqu’ici par la première ministre ? Les questions se bousculaient, vendredi.

Un « impact sur l’esprit des négociations »

Seule certitude du côté des Européens, à ce stade : le Brexit est un processus politique difficilement réversible. « Le résultat des élections au Royaume-uni ne remet pas en cause le choix des Britanniques de sortir de l’Union européenne », a estimé le premier ministre français, Edouard Philippe, sur Europe 1. Un peu plus tôt, sur la même antenne, le commissaire à l’économie français, Pierre Moscovici, considérait lui aussi que « le résultat des élections britanniques ne remet[tait] pas en cause le calendrier des négociations ». Ces élections n’étaient pas « un référendum bis » sur le Brexit, a ajouté M. Moscovici, qui a quand même reconnu que « cela ne sera pas sans impact sur l’esprit des négociations qui vont s’ouvrir ».

Après neuf mois de tergiversations, à la suite du référendum en faveur du Brexit du 23 juin 2016, Mme May avait demandé, fin mars, l’activation de l’article 50 des traités de l’UE, prévoyant la « sortie ordonnée » d’un Etat membre. Cette procédure, contraignante, est prévue pour durer deux ans. Elle ne peut pas être suspendue le temps que les Britanniques forment un nouveau gouvernement et redéfinissent, éventuellement, leur position au sujet du Brexit.

Les Européens impatients

La procédure peut, à la rigueur, être prolongée mais, pour ce faire, Londres doit le demander expressément, et les vingt-sept autres membres de l’UE doivent l’accepter à l’unanimité. En outre, « cette demande de prorogation ne pourrait intervenir qu’une fois que les négociations auront commencé, certainement pas avant », précise un diplomate bruxellois.

« Nous sommes prêts », répétaient les Européens, vendredi, comme ils le font depuis des mois. Le mandat – très ferme – du négociateur en chef de l’UE, le Français Michel Barnier, a été approuvé, le 22 mai, par les Vingt-Sept. Il exige le paiement, avant leur sortie, de tous les engagements financiers pris par les Britanniques dans le cadre du budget de l’UE. Et demande que les 3 millions d’Européens installés au Royaume-Uni continuent de jouir de tous leurs droits après le Brexit.

Impatients de commencer à négocier, les Européens espéraient que Mme May se verrait dotée, à l’occasion des élections anticipées, d’une « majorité de travail » pour entrer dans le vif du divorce. A Bruxelles, les experts, rompus aux négociations complexes, préfèrent avoir affaire à une partie adverse solide : cela facilite les prises de décision. Un gouvernement faible est « mauvais » pour les discussions, a confié Günther Oettinger, le commissaire au budget allemand, depuis Berlin.