Stéphane Richard, PDG d’Orange, le 1er juin 2017 à Paris. | CHARLES PLATIAU / REUTERS

Il ne cache pas son désir de rempiler pour un troisième mandat. Nommé directeur général en 2010, puis PDG d’Orange en 2011, pendant la mandature de Nicolas Sarkozy, et renouvelé en 2014 sous François Hollande, Stéphane Richard dit officieusement et officiellement – comme lors de la publication des résultats annuels en février – « ne pas avoir d’autres projets professionnels » que celui de présider aux destinées de l’opérateur télécoms. L’ancien inspecteur des finances a franchi une étape supplémentaire en faisant part en mars à son conseil d’administration de sa volonté de prolonger ses fonctions.

Pour témoigner de sa motivation, M. Richard, dont le mandat court jusqu’à l’assemblée générale 2018, présentera à l’automne aux administrateurs les grandes lignes de sa vision pour Orange jusqu’en 2025, le plan stratégique actuel s’arrêtant en 2020. Sans déflorer ses projets, il expose en privé ses vues sur l’évolution du métier. A ses yeux, les opérateurs télécoms s’assimilent à des « utilities », autrement dit à des services publics, certes essentiels pour les citoyens, mais au potentiel de croissance limité.

Une conviction qui l’a semble-t-il conduit à réviser ses ambitions à l’égard de Telecom Italia. Alors qu’on lui prêtait le rêve d’entrer au capital de l’opérateur transalpin, il refuserait les 25 % de Vincent Bolloré si ce dernier les lui proposait. Selon lui, le marché risque d’être bouleversé à court terme par l’arrivée d’un nouvel acteur – Free (dont le fondateur Xavier Niel est actionnaire à titre personnel du Monde). Telecom Italia a également perdu du terrain dans le développement du très haut débit, où il est concurrencé par Enel. Mais, surtout, l’opérateur italien n’a pas de potentiel de croissance.

La principale inconnue réside dans la position de l’Etat

Stéphane Richard ne devrait donc pas suggérer d’extension géographique d’Orange dans de nouveaux pays. Il ne devrait pas non plus conseiller de coûteux achats de droits, à l’image d’Altice, qui vient de se payer à prix d’or la Ligue des champions, même s’il considère que le championnat français de football, la Ligue 1, dont l’appel d’offres pourrait être relancé dès 2018, est crucial. Lui croit plutôt à la diversification dans de nouveaux métiers de services, à l’image du pas de côté effectué dans la banque en ligne, avec le lancement en juillet d’Orange Bank.

Saura-t-il convaincre les administrateurs ? En février 2018, ces derniers voteront une résolution proposant le renouvellement (ou pas) de son mandat. La principale inconnue réside dans la position de l’Etat, qui détient 29 % des droits de vote, à travers l’Agence des participations de l’Etat et Bpifrance. Pour le moment, Stéphane Richard n’a pas revu Emmanuel Macron depuis son élection à la présidence de la République. Il prévoit de rencontrer le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, qu’il connaît déjà, au lendemain des législatives. Enfin, le dirigeant est proche d’Emmanuel Moulin, directeur du cabinet de M. Le Maire : il l’avait recruté à Bercy, lorsque lui-même dirigeait le cabinet de Christine Lagarde.

Stéphane Richard ne sera certainement pas seul en lice

Une chose est sûre, M. Richard ne sera certainement pas seul en lice. Nicolas Dufourcq, le président de Bpifrance, et actuel administrateur, qui travailla chez France Télécom, serait motivé par le poste. Reste aussi à savoir si l’Etat souhaite se désengager ou pas de l’opérateur avant 2018, ce qui pourrait modifier les équilibres au sein du conseil.

Stéphane Richard veut croire que son bilan – il bénéficie du soutien des salariés et a réussi à éviter la casse sociale, malgré l’arrivée de Free sur le marché du mobile – parlera pour lui. Et que l’Etat, qui détient 3 sièges sur 15, tiendra compte de l’avis des autres administrateurs. Mais le dirigeant sait aussi que l’affaire Tapie est comme une épée de Damoclès au-dessus de lui. Les calendriers pourraient d’ailleurs se chevaucher. Stéphane Richard attend son renvoi devant le tribunal correctionnel dès cette année, avec la perspective d’un procès dont la date reste à déterminer.