Comme tout bon spectacle à gros budget, une conférence de l’E3 s’apprécie parfois avec du pop corn. | William Audureau

E3, jour 1 (enfin, nuit 1 pour ceux qui résident en France). Ce salon principalement destiné aux professionnels n’ouvre ses portes que mardi 13 juin mais dès samedi, les éditeurs et constructeurs commencent à occuper l’espace médiatique en tenant des conférences à grand spectacle, lors desquelles chacun dévoile ses plans de conquête du monde.

C’est Electronic Arts (EA), célèbre notamment pour ses simulations sportives et ses jeux Star Wars, qui ouvre les hostilités dès midi, heure de Los Angeles. Mais l’attente est encore trop longue pour certains. Sur Twitter commencent à circuler des photos volées de stands en cours de montage. Ce qui a le don de faire grincer les dents des équipes marketing en charge de la promotion des jeux.

- « Bravo aux gens qui font fuiter des photos du salon. Quelle classe. Ce n’est pas comme si on avait travaillé dur pour vous faire la surprise, pas vrai ? »

A quelques heures des annonces, les fuites s’accélèrent. Quelques exemples parmi d’autres : dans la nuit, on a vu apparaître des visuels d’Assassin’s Creed Origins tirés du magazine Game Informer, ainsi qu’une vidéo de 12 minutes de Star Wars Battlefront II, qui ne sera officiellement dévoilée que plus tard dans la journée.

Bethesda aussi a eu la surprise de voir un de ses jeux potentiellement dévoilé : pendant quelques heures, la fiche d’un certain Wolfenstein II : The New Colossus était visible sur Amazon. Le jeu sera-t-il dévoilé officiellement dans quelques heures, lors de la conférence de l’éditeur ? En tout cas, la fuite (ou le canular) lui aura permis d’occuper un peu d’espace médiatique en cette journée durant laquelle la plupart des regards ont été tournés vers Electronic Arts et son propre jeu de tir, Battlefront II.

« Tu ferais mieux de tout trouver génial »

Pour couvrir cette fameuse première conférence de l’E3, tenue sur Sunset Boulevard, un journaliste de Pixels particulièrement aventureux est parti au front. Sa mission : trouver une chaise et du wifi, tous les deux pris d’assaut par des milliers de confrères. Scène un peu surréaliste : pour parer à tout problème technique, son collègue reste à l’appartement et suit via une connexion Internet à peine plus robuste la conférence qui se déroule à quelques kilomètres de là. Deux journalistes n’étaient pas de trop, et deux demi-connexions non plus, pour suivre le programme.

Sur place, un vaste bâtiment privatisé accueille de nombreuses bornes d’essai des jeux – l’événement tenu par Electronic Arts est ouvert aux professionnels comme au grand public – et surtout un amphithéâtre où l’éditeur américain donne sa conférence, devant un parterre où youtubeurs survoltés et journalistes circonspects se mêlent d’autant plus que les chaises y sont définitivement trop étroites.

Pendant ce temps, sur Twitter, les avis sont plutôt mesurés, même si beaucoup s’accordent sur le professionnalisme de l’événement.

Il faut dire que le catalogue d’Electronic Arts, pour bonne partie composé d’itérations de jeux de sport déjà connus, ne provoque par nature que de très raisonnables emportements.

Certains, particulièrement taquins, s’inquiètent même pour le flegmatique Patrick Söderlund, responsable développement chez EA, qui a l’air un peu las de celui qui préférerait être ailleurs.

D’autres s’étonnent davantage de la forme, qui utilise les codes de l’e-sport, du streaming et de Youtube, sans doute pour mieux dire l’attachement d’EA aux nouvelles façons de consommer le jeu vidéo.

Mais le coup de grâce est asséné par Fork Parker, la mystérieuse éminence grise de l’éditeur punk Devolver. Pas très confraternel, il pointe du doigt l’enthousiasme factice d’un des commentateurs de la longue séquence Battlefront II, qui, quand on lui demande ce qu’il a pensé du jeu, lâche un « pas mal » machinal avant de se reprendre.

- « Ce moment où tu t’aperçois que tu es payé pour être là et que tu ferais mieux de tout trouver génial. »

Dans la salle, les cris hystériques de certains vidéastes ont peu à peu laissé place à une molle inertie. C’est à moitié assoupis par une interminable séance de jeu en direct que la plupart des spectateurs sauteront de leur chaise pour s’en extirper aussitôt la conférence finie. Dehors, les jeux attendent, et la possibilité, enfin, de se faire une idée sur ce qui n’était jusqu’à présent que de simples vidéos. À condition de se montrer patient.

Cette journée c’était ça. De l’enthousiasme, certes, mais qui ne tapait pas toujours juste.