L’Etat français, principal actionnaire de Renault, s’oppose régulièrement au PDG Carlos Ghosn sur sa rémunération. | Eugene Hoshiko / AP

Les banquiers de l’alliance Renault-Nissan ont élaboré un projet permettant de verser des millions d’euros de bonus annuels supplémentaires au PDG Carlos Ghosn et à d’autres dirigeants via une société de service créée spécialement pour l’occasion, affirme l’agence de presse Reuters, qui a eu accès à plusieurs documents.

La proposition préliminaire prévoit que Renault, Nissan et maintenant aussi Mitsubishi versent à la société enregistrée aux Pays-Bas une portion des nouvelles synergies dégagées grâce à l’alliance. Celles-ci devraient atteindre 5,5 milliards d’euros l’an prochain – un nouveau record après 4,3 milliards en 2016.

Les fonds transférés sous la forme de bonus en numéraire et en titres serviraient à « encourager les dirigeants à poursuivre les opportunités de synergies », selon une présentation d’Ardea Partners, société de banque d’investissement conseillant Carlos Ghosn sur les questions d’intégration accrue de l’alliance.

Une contribution de 8 %

Selon la présentation du projet, l’alliance verserait 8 % des synergies additionnelles dégagées chaque année, soit l’équivalent de 80 millions d’euros, si l’arrivée de Mitsubishi permet un milliard d’euros de synergies.

Un tiers de cette somme serait réservé aux six principaux managers de l’alliance, dont Carlos Ghosn est actuellement président et directeur général. La nouvelle société « NewCo », établie aux Pays-Bas, serait détenue à 100 % par une fondation indépendante, « évitant les sujets de parties apparentées » qui exigeraient une information des actionnaires des constructeurs. Les versements échapperaient aussi aux charges sociales françaises.

« Les montants versés via les contrats de service seraient publiés chaque année dans les comptes respectifs des membres [de l’alliance] - bien que les montants payés à chaque participant n’auraient pas légalement à être publiés », est-il ajouté dans le document.

Selon un mémo daté de début juin et accompagnant la présentation du projet, celui-ci est soutenu par Carlos Ghosn. Il est ajouté dans le mémo : « Le schéma, dans ses détails, est toujours en cours d’élaboration. »

Catherine Loubier, porte-parole de l’alliance, s’est refusée à de plus amples commentaires. Interrogé, Bercy a aussi décliné toute déclaration.

Opposition régulière entre l’Etat et Carlos Ghosn

L’Etat français, principal actionnaire de Renault, s’oppose régulièrement à M. Ghosn sur sa rémunération. A l’assemblée générale de 2016, le PDG a sauvé sa rémunération de 7,2 millions d’euros malgré un vote sanction des actionnaires, dont l’Etat. En ajoutant le salaire versé par Nissan, la rémunération de Carlos Ghosn atteint 15,6 millions d’euros, faisant de lui le troisième patron le mieux payé des dirigeants du CAC 40.

Les actionnaires de Renault auront à nouveau l’occasion de se prononcer sur la rémunération du PDG cette semaine lors de l’assemblée générale annuelle du groupe. Le « say on pay » reste consultatif sur le montant de rémunération de l’exercice écoulé, mais devient contraignant sur la politique de rémunération à venir.

L’Etat et Carlos Ghosn se sont également affrontés en 2015 sur la question des droits de vote doubles. En février, le PDG de Renault-Nissan a déclaré que son principal actionnaire, qui détient actuellement près de 20 % du capital, ne laisserait pas les deux partenaires de l’alliance aller jusqu’à une fusion.