L’ancien président de l'UCI, Hein Verbruggen, discute avec l'Américain Lance Armstrong, le 8 juin 1999, lors du critérium du Dauphiné Libéré. | PASCAL PAVANI / AFP

Après la mort d’Hein Verbruggen, ancien président de l’Union cycliste internationale (UCI), à 75 ans mercredi 14 juin, Roger Legeay défend l’héritage du Néerlandais. L’ex-directeur sportif français, vainqueur du Tour de France 1990 par l’entremise de Greg LeMond, a connu toute l’ère Verbruggen (1984-2005), étant notamment amené à négocier avec l’homme d’affaires en tant que président de l’Association internationale des groupes cyclistes professionnels. Roger Legeay est aujourd’hui président du Mouvement pour un cyclisme crédible (MPCC), qui réunit sept des 18 équipes du World Tour.

Quelle place a pris Hein Verbruggen, président pendant quatorze ans de l’UCI, dans la transformation du cyclisme mondial ?

Roger Legeay : Il a pris la présidence de l’UCI à une période charnière. Avant, le vélo était en grande partie dominé par les amateurs, notamment avec l’influence des pays de l’Est. Le secteur professionnel, la Fédération internationale du cyclisme professionnel (FICP), ne pesait pas lourd. Je me souviens d’une période où l’on faisait les réunions de la FICP dans la cuisine du secrétaire général.

Hein Verbruggen a fait basculer le cyclisme du côté professionnel à la chute du Mur de Berlin. Il a unifié tout le monde sous la bannière unique de l’UCI. Il est à l’origine d’une grande partie de la réglementation actuelle, de l’arrivée des sponsors et de l’admission des cyclistes professionnels aux Jeux olympiques.

Quel regard portez-vous sur le personnage qui a régné longtemps sur le cyclisme ?

C’était d’abord quelqu’un de très habile politiquement. Ce n’était pas gagné d’avance d’arriver à unifier le vélo au sein de l’UCI. Désormais, l’UCI est une fédération prospère, qui a son siège et son Centre mondial du cyclisme à Aigle, en Suisse. Tout ça est à mettre à son crédit.

Sa présidence a été marquée par de nombreux scandales de dopage…

Oui, les affaires Festina, Puerto et Armstrong ont défrayé la chronique mais la véritable problématique de sa présidence en matière de dopage a été l’EPO (erythropoïétine), que l’on avait beaucoup de mal à détecter et que l’on arrive encore très mal à détecter. Il ne faut pas oublier que c’est lui qui a instauré les tests d’hématocrite en 1997, avant l’affaire Festina qui a éclaté en 1998. C’est lui qui a autorisé les contrôles sanguins, un changement colossal dans la lutte antidopage. Lorsque l’on voit aujourd’hui les autres sports comme l’athlétisme, frappés par des scandales de dopage, on s’aperçoit rétrospectivement que le cyclisme n’était pas le seul à être gangrené.

Que pensez de ses relations étroites avec Lance Armstrong ?

Tout le monde dans ce milieu a pu avoir des rapports avec les uns et avec les autres. Oui, il a été proche de Lance Armstrong, mais il y en a d’autres dans le cyclisme qui étaient proches de lui et qui n’ont pas pour autant cautionné le dopage. [Selon le rapport d’une commission indépendante publié en 2015, la direction de l’UCI à l’époque de Hein Verbruggen a « en plusieurs occasions défendu ou protégé Lance Armstrong »]

Les contrôles positifs ne sont pas cachés dans le cyclisme. Si l’on regarde les différentes affaires, ce ne sont jamais les contrôles qui ont permis de prendre les tricheurs : ça a été les archives de la Stasi en ex-RDA, la police dans les affaires Festina et Puerto, les révélations de Floyd Landis dans le cas d’Armstrong, la presse allemande aujourd’hui pour l’athlétisme russe. Lance Armstrong a été contrôlé 500 fois sans jamais être déclaré positif… [Si des traces de produits dopants ont été retrouvées dans plusieurs de ses échantillons, mais jamais le règlement en vigueur à l’époque n’a permis de le déclarer positif]