Avec le projet de loi annoncé par le premier gouvernement Macron, ce serait quasiment toutes les mesures de l’état d’urgence qui se retrouveraient dans le droit commun, avec quelques modifications marginales (« La future loi antiterroriste du gouvernement soulève de vives inquiétudes », Le Monde du 8 juin et « Des associations demandent à Macron de retirer le projet de loi antiterroriste », par Julia Pascual, Le Monde du 9 juin).

Perquisitions administratives, assignations à résidence, etc., irrigueraient dorénavant le cours « normal » de l’action publique, officiellement contaminée par l’introduction de mécanismes dits d’exception en plein cœur de la loi. Toutefois, en agissant de la sorte, Emmanuel Macron entérine moins l’introduction de l’exception dans la règle qu’il ne procède à une réévaluation globale du fameux équilibre entre liberté et sécurité. A l’heure où l’Europe est frappée par le terrorisme islamiste, le nouveau président bascule logiquement le curseur sur la fonction sécurité, au détriment d’une conception idéale et absolue de la liberté.

En choisissant d’incorporer de tels mécanismes d’urgence – théoriquement temporaires – dans la permanence de la loi, le président Macron s’attaque à un préjugé inscrit dans l’inconscient collectif : l’introduction de l’exception dans la règle aurait des effets négatifs irréversibles qui conduiraient l’Etat de droit sur la pente glissante de la privation des libertés individuelles.

Mais une telle conception est erronée, car elle postule une évolution linéaire, calquée sur l’épisode traumatique de la seconde guerre mondiale : l’implosion progressive de l’Etat de droit sous le joug invasif et mortifère d’un pouvoir exécutif dénaturé.

Répondre concrètement au terrorisme islamiste

Aujourd’hui, il ne s’agit pas d’entraîner le pays dans les eaux tumultueuses de l’autoritarisme, mais de répondre concrètement au terrorisme islamiste, dont les attentats répétés diffusent une peur latente sur le continent européen. Or, comme l’écrit Michel Onfray dans son article « Le devenir jungle de la planète » (Le 1, et dans La Parole au peuple, Editions de l’Aube, 160 pages, 12 euros) la sécurité est un droit de l’homme, peut-être même le seul.

Car, sans sécurité, il n’y a ni liberté, ni égalité, ni fraternité. Juste la peur. A l’aune de cette peur, le nouveau président acte le passage d’un temps de paix à celui d’une guerre indéfinie, qui nécessite un changement de logiciel et la refonte de l’équilibre entre liberté et sécurité.

Ne nous voilons pas la face, l’idéal kantien de paix perpétuelle est derrière nous. Les grands principes ne doivent pas être agités par crainte du changement, pour servir le maintien d’un statu quo devenu obsolète. Les temps ont changé, soyons-en sûrs, et saluons la détermination de faire plutôt que l’indécision des tièdes de tout bord.

Ghislain Benhessa est l’auteur de « L’Etat de droit à l’épreuve du terrorisme » (Editions de l’Archipel, 176 pages, 17 euros).