Le ministre de la justice, François Bayrou, le 13 juin 2017. | BENJAMIN GIRETTE / HANS LUCAS / « LE MONDE »

Le projet de loi de moralisation de la vie publique devait être présenté, mercredi 14 juin, en conseil des ministres. Intitulé « pour la confiance dans notre vie démocratique », il s’articulera autour d’une révision constitutionnelle, d’une loi ordinaire et une loi organique.

Depuis sa présentation au début de juin, le Conseil d’Etat a demandé au gouvernement de revoir sa copie : dans son avis, que le gouvernement n’est pas obligé de suivre, il rejette notamment deux propositions sur le financement des partis.

Ce que demande le Conseil d’Etat

Pour le Conseil d’Etat, la « banque de la démocratie » proposée par le gouvernement est une mauvaise idée. A la place de cette structure, qui aurait été chargée « d’accorder des prêts aux partis politiques et aux candidats, selon des critères objectifs de solvabilité » et adossée à la Caisse des dépôts, les membres du Conseil d’Etat suggèrent au gouvernement de procéder plutôt à un appel d’offres auprès des établissements de crédit existants, afin d’attribuer à l’un d’eux cette quasi-mission de service public.

Deux propositions sont par ailleurs purement et simplement rejetées par le Conseil d’Etat, qui alerte sur leur caractère inconstitutionnel :

  • l’idée d’imposer aux grands partis, au-delà d’un certain seuil de fonds publics attribués, de séparer la fonction d’ordonnateur des dépenses de celle du payeur. Cette mesure est contraire à la liberté de s’organiser garantie aux partis par l’article 4 de la Constitution ;
  • la certification des comptes des partis politiques par les magistrats de la Cour des comptes. Elle est jugée contraire à la liberté d’entreprendre, car elle écarte sans raison valable les commissaires aux comptes de ce marché ;

Ce que contient la révision constitutionnelle

Pour ce premier grand chantier législatif du quinquennat Macron, l’exécutif prévoit des réformes institutionnelles lourdes, « qui prendront leur place dans une révision de la Constitution » :

  • la suppression de la Cour de justice de la République. Cette juridiction d’exception des ministres a été critiquée au moment du procès de Christine Lagarde, condamnée – mais dispensée de peine – pour « négligence » dans l’affaire de l’arbitrage favorable à Bernard Tapie en 2008 ;

  • la fin de la présence des anciens présidents au Conseil constitutionnel. « En raison » des questions prioritaires de constitutionnalité, « qui vont analyser, contredire des textes pris sous des gouvernements et des présidents précédents » ;
  • l’interdiction pour les élus de cumuler trois mandats successifs, au niveau national comme local, sauf pour les petites communes ;
  • l’interdiction pour les ministres d’exercer des fonctions à la tête d’exécutifs locaux.

Ce que contient la loi ordinaire

L’autre grand axe de cette réforme, qui est menée après une campagne présidentielle marquée par l’affaire Fillon, et en pleine polémique autour du financement du MoDem (une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Paris), concerne les parlementaires :

  • il leur sera interdit, comme aux ministres, de recruter des membres de leur famille ;
  • la réserve parlementaire sera supprimée, pour éviter toute « dérive clientéliste », et remplacée par un « fonds d’action pour les territoires et les projets d’intérêt général » ;
  • l’exécutif va encadrer le plus sévèrement possible les activités de conseil des députés et des sénateurs : interdiction d’en lancer une en cours de mandat et interdiction pure et simple de conseiller certaines sociétés, liées à des marchés publics ;
  • une peine d’inéligibilité de plein droit et jusqu’à dix ans sera créée en cas de crimes ou de délits « portant atteinte à la probité », en clair les affaires de fraude et de corruption.

Ce que contient la Loi organique

Le troisième grand chapitre de la réforme porte sur la « refonte profonde » du financement public de la vie politique, passant par :

  • la création d’une « banque de la démocratie » qui pourra prêter de l’argent aux partis pour leurs campagnes électorales – remise en cause par le Conseil d’Etat, donc ;
  • la certification des comptes des partis par la Cour des comptes lorsqu’ils dépassent un certain seuil de financement public – rejetée par le Conseil d’Etat ;
  • la Commission nationale des comptes de campagne s’assurera que les comptes de tous les partis politiques comprennent ceux de leurs instances locales ;
  • l’interdiction des prêts par des personnes morales comme toute aide d’une personne morale étrangère. Les prêts consentis par des personnes physiques seront restreints, encadrés et notifiés à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques pour contrôler les modalités de leur remboursement.