Chaque fois que je vais en Afrique, un continent particulièrement cher à mon cœur, je me sens animée d’une énergie nouvelle. Lors de mon dernier séjour, je suis allée à la rencontre du « lion africain », ainsi que l’on qualifie parfois l’Ethiopie, avant de me rendre en République centrafricaine, parfois désigné comme un « orphelin de l’aide ». Ces deux étiquettes sont trompeuses et l’on perdrait son temps à vouloir comparer ces pays. Il n’en reste pas moins que l’Ethiopie comme la République centrafricaine sont des pays en marche et qu’ils nous donnent tous deux une leçon d’espoir et de résilience.

Commençons par l’Ethiopie, ce pays à propos duquel les économistes parlent volontiers de miracle, puisqu’il est parvenu à diminuer de moitié la pauvreté en vingt ans. J’y ai rencontré des agricultrices qui ont transformé une colline desséchée en autant de champs fertiles. Des jeunes sans terre qui, grâce à des pratiques agricoles adaptées aux enjeux climatiques, ont réussi à remettre en état des sols dégradés et se sont vus accorder en échange des droits fonciers. Des femmes qui, à partir de rien, ont pu créer leur entreprise à l’aide de microcrédits… Sans oublier Wukro, une bourgade du nord du pays, où des projets de revêtement des chaussées ont fourni du travail à des milliers de personnes, embelli la ville et diminué le taux de criminalité.

Renaître des oasis

L’Ethiopie est encore loin d’être un pays prospère : l’état d’urgence y est toujours en vigueur face aux troubles sociaux persistants dans certaines régions et la menace de l’insécurité alimentaire continue de planer. Mais l’on voit renaître des oasis dans des lieux encore naguère inhospitaliers et le pays a fait preuve d’une extraordinaire résilience face à des chocs climatiques extrêmes. Quelle satisfaction de voir que des investissements judicieux en faveur du climat portent leurs fruits !

J’affectionne particulièrement la République centrafricaine, ce pays enclavé de 5 millions d’habitants rendu célèbre par ses diamants puis oublié de tous pendant trop longtemps. Il aura fallu la tragédie de 2013 et ses violences intercommunautaires pour que le monde reconnaisse que nous n’avions pas le droit de laisser un pays entier basculer en enfer. La communauté internationale est montée au créneau et est passée à l’action. L’armée française et les casques bleus des Nations unies ont stabilisé le pays.

Surtout, le peuple centrafricain a pris son destin entre ses mains en élisant de manière démocratique son président et ses députés. La conférence des donateurs organisée à Bruxelles en novembre 2016 a rencontré un franc succès, puisqu’un niveau record d’engagements a été acté, de 2,2 milliards de dollars, dont 500 millions apportés par la Banque mondiale. Le récent regain de violences contre des civils et des soldats de l’ONU vient cependant nous rappeler avec force que seule une politique de développement de long terme peut briser l’engrenage de la fragilité. Un quart des Centrafricains sont toujours déplacés dans leur propre pays. Pratiquement la moitié des habitants continuent d’avoir besoin d’une aide humanitaire. Mais la pauvreté n’est pas une fatalité. Les filets sociaux et l’entrepreneuriat sont un moyen efficace d’en sortir. Je l’ai constaté en Ethiopie.

Pour ma quatrième visite en Centrafrique, le président Faustin Touadera m’a emmenée à Bambari, une ville du centre du pays qui en incarne l’avenir. Au-delà des ruines et des destructions, j’ai vu l’espoir. Immense. La population manque de tout, même du plus élémentaire. Mais la ville vient d’être déclarée « exempte d’armes ». J’ai discuté avec des familles qui ont à peine de quoi manger mais accueillent des déplacés de bonne grâce et avec dignité. J’ai visité un camp où les déplacés ne demandent rien de plus qu’un toit et une chance de mener une vie meilleure. Je me suis rendue dans un hôpital qui avait connu des jours meilleurs mais faisait de son mieux pour parer au plus pressé. Et j’ai observé les visages souriants des bénéficiaires des programmes de chantiers qui leur permettent d’être rémunérés pour leur travail.

Renforcer la cohésion sociale

Je l’avoue, je suis fière de ce que la Banque mondiale fait en Centrafrique. Elle aide les anciens combattants à trouver un sens à la vie après avoir déposé les armes. Elle agit pour renforcer la cohésion sociale dans les communautés d’accueil des populations déplacées. Elle rapproche les commerçants des marchés en remettant des routes en état, en rétablissant l’électricité à Bangui et en relançant l’agriculture dans un pays qui possède 15 millions d’hectares de terres arables mais où les gens ont faim. Sans oublier les services d’eau, de santé et d’éducation qu’elle apporte dans les régions les plus défavorisées du pays.

En Centrafrique, la paix est-elle possible ?
Durée : 03:15

Rien de tout cela n’aurait été possible sans l’aide de nos partenaires et, notamment, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en République centrafricaine (Minusca), chargée du maintien de la paix. Intervenir dans un pays en conflit, sous la protection des casques bleus, n’est pas chose aisée. Mais le développement a besoin de la paix. Et il n’y aura pas de paix sans développement.

La Centrafrique est l’un des rares pays où le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté continue d’augmenter. Seul le développement peut changer la trajectoire de l’un des pays les plus fragiles du monde — au prix cependant d’investissements massifs. Nous savons grâce aux recherches que la reconstruction d’un pays qui a connu des décennies de conflit prend des années. Qu’il faut y croire et persévérer. La communauté internationale doit se mobiliser et apporter les ressources promises à Bruxelles en novembre 2016. Le secteur privé doit être audacieux et parier sur le temps long.

La République centrafricaine mérite un avenir meilleur et elle l’aura. Alors qu’elle s’engage sur la voie de la reconstruction et de la paix, notre soutien est plus vital que jamais. Et personne ne doit manquer à l’appel.

Kristalina Georgieva est directrice générale de la Banque mondiale.