Café Sénéquier à Saint-Tropez, le 8 août 2012. | VALERY HACHE / AFP

Tour le monde connaît le café Sénéquier. Ou presque. Même ceux qui n’ont jamais flâné dans les rues de Saint-Tropez (Var). Les photos de vacances de l’ex-président Jacques Chirac sirotant son apéritif à la terrasse de cet établissement emblème de la cité balnéaire, l’ont immortalisé. On connaît toutefois moins son propriétaire, Thierry Bourdoncle. Et pourtant, cet homme d’affaires auvergnat qui a acheté le Sénéquier en 2012, possède une belle collection d’adresses de bar et restaurants. Pour donner un coup d’accélérateur à ses ambitions, il a décidé de s’allier avec le fonds d’investissement Perceva. Un partenariat annoncé jeudi 15 juin.

Ensemble les deux partenaires vont créer un nouvel acteur de la restauration baptisé Groupe Bourdoncle. Une « association équilibrée », selon les deux acteurs qui se refusent à donner plus de détails sur la composition du capital et le montant de l’investissement potentiel. « Quelques dizaines de millions d’euros », se contente de préciser Franck Kelif, associé de Perceva. « Notre objectif est de faire six acquisitions d’ici à 2018 et pas uniquement à Paris », affirme M. Kelif.

Preuve de leur volonté d’accélérer le tempo, l’encre de l’accord était à peine sèche que le Groupe Bourdoncle dévoilait ses premières emplettes. Il a jeté son dévolu sur deux adresses de Megève, la Brasserie Centrale et Deli’s Corner. Fidèle à sa stratégie, M. Bourdoncle choisit « des lieux d’exception ». « J’ai commencé il y a vingt-cinq ans, en achetant ma première affaire Le Bastille. Je possède aujourd’hui une vingtaine d’établissements », raconte M. Bourdoncle. Parmi les adresses connues, on peut citer Le Brébant, Le Mabillon, Le Hibou (trois brasseries situées à Paris) et bien sûr le Sénéquier. Mais il en a cédé également quelques-unes en fonction de l’évolution des quartiers et des opportunités financières, comme le Café Delmas et le café Le Pré, deux enseignes de la rive gauche.

Un moment-clé

A chaque fois, M. Bourdoncle applique sa recette qu’il résume en trois ingrédients. « Un lieu d’exception, un chef, un concept. » Avec la volonté de redynamiser des établissements souvent endormis ou en perte de vitesse mais bénéficiant d’un emplacement stratégique. Parfois, le renouvellement va jusqu’au changement de nom, comme dans le cas du Hibou sur la place de l’Odéon. Un nom qui s’affichera peut-être bientôt à Megève, la brasserie haute-savoyarde étant déjà entre les mains du décorateur qui a redessiné Le Hibou. Même si M. Bourdoncle ne donne pas d’estimation du chiffre d’affaires de ses restaurants, il estime l’addition moyenne à 30 ou 35 euros au déjeuner et à 40 ou 45 euros au dîner.

Cette approche a séduit le fonds Perceva, connu pour avoir investi dans des sociétés comme Monceau Fleurs ou le traiteur Dalloyau. « Nous investissons dans des projets atypiques là où le monde financier n’a pas le temps de s’arrêter. Or, le projet de M. Bourdoncle est atypique, en marge des concepts de restauration de chaîne », explique M. Kelif.

Si M. Bourdoncle garde en propre les établissements préalablement acquis, il fait une exception en choisissant de placer la brasserie Mabillon dans la nouvelle structure créée avec Perceva. Un bien familial, sachant que M. Bourdoncle est issu d’une lignée de restaurateurs auvergnats, qui va réouvrir ses portes début juillet après complète rénovation. Au Mabillon, viendront s’ajouter les acquisitions.

L’investissement de Perceva intervient à un moment-clé. « Le marché de la restauration traditionnelle est en pleine concentration », constate M. Kelif. Le rachat de Flo (Hippopotamus, Taverne de Maître Kanter) par le Groupe Bertrand (Quick, Lipp) en passe d’être bouclé le prouve. Le développement des chaînes de restauration rapide, les changements d’habitude alimentaire, Internet : autant de phénomènes qui bousculent le jeu. Sans oublier les attentats. « Nous avons souffert d’une baisse d’activité pendant vingt-quatre mois, mais nous notons un retour du tourisme depuis trois-quatre mois », témoigne M. Bourdoncle. Les entreprises endettées sont fragilisées. Des opportunités donc, mais aussi des risques, « notre métier est plus dur, la concurrence plus rude, il faut rationaliser les coûts », estime M. Bourdoncle. D’où l’intérêt d’un partenaire financier.