#LosUnderwoodDeTexoloc El caso de un político de Tlaxcala que se cree en House Of Cards

La série « House of Cards », l’un des premiers grands succès de production de Netflix, ne cesse d’inspirer la vie réelle. Dernière invention en date : un homme politique mexicain a reproduit à l’identique certains passages d’un discours prononcé par Frank Underwood, le président des Etats-Unis dans la bande-annonce de la quatrième saison de la série, diffusée en mars 2016.

Miguel Angel Covarrubias Cervantes est l’ancien maire de San Damian Texoloc, une petite ville au centre du Mexique. Il a eu recours au personnage de Frank Underwood pour sa campagne aux élections législatives, et s’est filmé en train de prononcer un discours similaire à celui prononcé par Kevin Spacey, l’interprète du rôle, avec un cadrage et une musique de fond proches de ceux de la série. « Ils disent que nous avons le gouvernement que nous méritons, et je crois que le Mexique mérite quelque chose de plus grand », déclare-t-il notamment.

Netflix a sauté sur l’occasion pour se faire un peu de publicité. La série est en pleine campagne de promotion pour la cinquième saison, en ligne sur la plate-forme de streaming depuis le 30 mai. C’est Doug Stamper, le conseiller machiavélique du président, qui se charge de répondre sur Twitter à notre candidat local aux élections mexicaines en lui expliquant que « l’imitation n’est pas toujours la meilleure forme de l’admiration ».

L’homme politique en question a répliqué par une autre vidéo, où il assume sa stratégie : imiter « House of Cards » pour se faire connaître avant les élections. Il s’est défendu de tout plagiat sur le site du journal Milenio, expliquant avoir voulu faire « clairement référence » à « House of Cards », dans le but d’exploiter « de façon positive » la viralité de la vidéo.

Echange de bons procédés publicitaires

Cette affaire illustre ce que l’on pourrait appeler un échange de bons procédés publicitaires : Netflix se fait de la publicité grâce à un homme politique, qui se faisait de la publicité grâce à Netflix.

Il serait sans doute dommage de se priver d’une telle caution « cool ». Le charisme machiavélique du personnage de Frank Underwood a permis à d’autres de se donner un petit côté décalé, tout en montrant qu’on est à la page et qu’on suit la série. Avant Miguel Angel Covarrubias Cervantes, Barack Obama s’était déjà prêté à l’exercice, en imitant Frank Underwood dans une vidéo mise en ligne pour fêter le 1er avril, en 2016.

De son côté, Netflix utilise régulièrement un prétexte d’actualité pour disséminer sa publicité. Sur Twitter, Frank Underwood est devenu un vrai-faux commentateur de l’actualité politique, capable de « troller » l’ancien premier ministre britannique David Cameron ou sa remplaçante, Theresa May. La sortie la mieux trouvée restant, de ce côté-ci de l’Atlantique, un tweet adressé à Manuel Valls après que ce dernier a fait usage du 49.3 pour faire passer la loi travail à l’Assemblée. On pouvait y lire : « La démocratie, c’est tellement moins bien que ce qu’on dit ». Ce à quoi Manuel Valls avait répondu en citant Churchill : « La démocratie est le pire des systèmes, à l’exclusion de tous les autres » (rendez-vous d’ailleurs sur Slate pour savoir pourquoi cette citation n’est pas réellement utilisée à bon escient par Manuel Valls).

Le dernier commentaire en date concerne le premier ministre australien, Malcolm Turnbull, qui s’est moqué ouvertement des liens de Donald Trump avec la Russie lors d’un discours donné devant les invités d’un gala de charité. Le compte Twitter d’« House of Cards » s’empresse de tirer la leçon de ce faux pas diplomatique : « Il y a toujours une fuite. »

La réalité dépasse la fiction

Mais il y a désormais quelque chose qui ne fonctionne plus. Frank Underwood, en personnage manipulateur mais élégant, cruel mais habile, inspiré des tragédies shakespeariennes, ne correspond plus à la réalité politique des Etats-Unis. L’imiter semblerait presque un peu… ringard.

Nous avons changé d’époque avec l’élection, en novembre 2016, de Donald Trump. A bien y regarder, c’est d’ailleurs ce que reprochent les critiques à la dernière saison d’« House of Cards ». Dans un monde où le président des Etats-Unis est désormais soupçonné de collusion avec le pouvoir russe et poursuivi dans une enquête pour obstruction à la justice, les manigances de Frank Underwood semblent un peu ternes.

Ce n’est pas faute d’avoir essayé les habituels « rappels » à l’actualité : dans la saison 5, Frank Underwood prévoit un « immigration ban » inspiré de celui de Trump. On y trouve également des auditions du Congrès, des fuites en tout genre, une ingérence russe dans la politique américaine, une attaque chimique en Syrie qui force le président à prendre position… Mais, comme l’expliquait le New York Times peu après la mise en ligne de la dernière saison, « House of Cards » continue de considérer qu’il existe en politique une norme morale, que Frank Underwood ne cesse de bafouer, non sans maquiller ses méfaits pour conserver son image de président. La transgression (et sa dissimulation) crée l’intérêt de la série, mais avec Donald Trump, cette transgression a cessé d’être exceptionnelle, donc divertissante. « L’idée que les adultes sont aux commandes, que la présidence doit quand même prétendre à un certain décorum, est mise à mal par l’élection d’une star de télévision dont le succès médiatique dépend en partie de sa capacité à sortir du cadre », commente le New York Times.