Au lendemain de la mort, le 1er février à Bruxelles, d’Etienne Tshisekedi, Moïse Katumbi avait annoncé son retour en République démocratique du Congo (RDC) avec la dépouille du vieil opposant. Le corps du « sphinx de Limete » attend toujours en Belgique et celui qui entend désormais être le porte-étendard de l’opposition a de nouveau annoncé, vendredi 16 juin, depuis le cabinet de son avocat parisien, son retour « imminent » au pays, qu’il a quitté en mai 2016.

Cette fois, l’ancien gouverneur du Katanga devenu opposant, contraint à l’exil, se dit protégé par une lettre du haut-commissariat aux droits de l’homme des Nations unies adressée à son avocat français, Eric Dupont-Moretti. Une plainte avait été déposée début juin à Genève contre le gouvernement congolais que M. Katumbi accuse de tout faire pour l’empêcher de se présenter à la présidentielle. L’ONU rappelle ainsi au régime de Joseph Kabila le devoir de « garantir son droit à la liberté et à la sécurité en le protégeant contre toute forme d’arrestation ».

« Liberté et sécurité »

Cette missive datée du 13 juin, diffusée sur les réseaux sociaux par les équipes de M. Katumbi, précise que les autorités congolaises se doivent aussi de « prendre toutes les mesures nécessaires en vue d’assurer que l’auteur puisse rentrer (…) et participer librement et en toute sécurité, en tant que candidat, aux élections présidentielles prévues pour la fin 2017 ».

Soutenu par son nouveau porte-parole, l’ancien ministre Olivier Kamitatu, Moïse Katumbi s’est dit sur le départ. « J’ai besoin de faire mes valises et de dire au revoir à des amis, dit-il. Je rentre pour aller aux côtés de mes frères qui souffrent et pour faire campagne pour un grand changement en RDC. »

Depuis un an, Moïse Katumbi s’est exilé en Europe. Le chef de l’Etat Joseph Kabila, toujours au pouvoir malgré la fin de son dernier mandat en décembre 2016, n’a pas supporté de voir son ambitieux allié quitter la majorité présidentielle en 2015 pour faire campagne en vue de lui succéder.

Les deux hommes se connaissent parfaitement. Ils ont partagé des amitiés communes comme avec feu Augustin Katumba Mwanke, conseiller spécial du président, ou encore avec l’homme d’affaires israélien Dan Gertler, tous deux accusés d’avoir orchestré le pillage des ressources du plus grand pays d’Afrique francophone. Puis Moïse Katumbi a rompu. Et les deux hommes se défient aujourd’hui.

Asseoir son leadership sur l’opposition

La justice congolaise a été utilisée par le régime de Joseph Kabila pour le maintenir éloigné et à l’écart des dialogues politiques entamés sous l’égide de l’Union africaine en octobre 2016 puis à travers la médiation de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) en décembre.

Moïse Katumbi a ainsi été condamné par contumace dans plusieurs affaires. Une « mascarade », « un règlement de comptes politique », selon la Cenco, qui a recommandé au président Kabila d’accepter le retour de M. Katumbi en « homme libre ». En vain. Plusieurs de ses proches et de ses soutiens politiques ont été arrêtés par les forces de sécurité, et pour certains condamnés.

S’il le désire « imminent », le retour de l’opposant est pourtant encore incertain. Outre les risques sécuritaires, Moïse Katumbi va devoir asseoir son leadership sur une opposition dont les divisions se sont accentuées depuis la mort d’Etienne Tshisekedi. Le Rassemblement, dirigé par le fils de ce dernier, Félix, qui soutient pour le moment la candidature de M. Katumbi, a connu plusieurs trahisons, soigneusement encouragées par les stratèges de Joseph Kabila.

Par ailleurs, les élections censées se tenir fin 2017 restent improbables et Moïse Katumbi n’exclut pas de convoquer la rue, dont nul ne sait plus vraiment qui elle soutient ni pour qui elle serait prête à risquer sa vie en manifestant. Moïse Katumbi incarne-t-il encore l’espoir de la population congolaise et saura-t-il reprendre la main sur l’opposition ? C’est son pari. Un pari qu’il ne pourra relever qu’une fois revenu à Kinshasa.