Divertissement sur France 3 à 22 h 55

Faire de son vivant un hommage à ses propres textes : Pierre Palmade reconnaît que l’idée est « gonflée ». Sur le modèle de l’émission « Elles se croient toutes Joly » qui avait, en janvier 2016, salué la mémoire de Sylvie Joly, pionnière de l’humour au féminin, France 3 a de nouveau fait appel à Pierre Palmade. Cette fois, l’idée est de ­fêter ses trente ans de carrière, commencée en 1987 dans l’émission « La Classe » sur FR3. « J’avais tellement peur qu’il n’y ait pas d’hommage après ma mort que j’ai demandé à la chaîne si je ne pouvais pas le faire avant », s’amuse Pierre Palmade sur la scène du Théâtre de Paris, où le spectacle a été enregistré le 22 mai. « Pour être rassuré, je l’ai organisé moi-même, comme cela, je suis sûr que ça se passera bien », poursuit l’humoriste.

Pour cette soirée d’autocélébration, celui qui a enchaîné les one-man-show dans les années 1990 – avant de coécrire, avec Muriel Robin, la pièce à succès Ils s’aiment jouée aux côtés de Michèle Laroque – a convié « dix copains et une copine » à réinterpréter une partie de son répertoire. « S’ils meurent un jour, je leur rendrai la pareille », dit-il avec malice.

Pierre Palmade et Arnaud Tsamere | COADIC GUIREC / BESTIMAGE / © Guirec Coadic / Bestimage

Dans « On se refait Palmade ! » s’enchaînent des textes plus ou moins connus dans des reprises plus au moins heureuses. Sans surprise, c’est avec un sketch devenu culte, Le Scrabble, rejoué par Arnaud Ducret, que commence la soirée. L’histoire de cette partie familiale n’a pas pris une ride et on rit toujours autant de ce père mauvais joueur et machiste. Impeccable dans le rôle du troufion qui vient demander « plus de confort pour le moral des troupes », Lorànt Deutsch prend un plaisir partagé à rejouer Le Colonel, premier sketch qui a fait connaître Pierre Palmade. « Je l’ai joué en 1989 dans une émission de Michel Drucker, et il a changé ma vie », se souvient l’intéressé, qui livre quelques ­confidences entre les prestations.

« Dans mes obsessions lorsque j’avais 20 ans, explique-t-il, il y avait le service militaire mais aussi ma mère. » Jean-Baptiste Maunier, comédien révélé par le film Les Choristes, a pour tâche de reprendre L’Œdipe. Si le thème de la mère envahissante et curieuse demeure universel, la situation, cette fois, paraît décalée. Le jeune homme, en conversation avec sa petite amie, est pendu à un téléphone fixe à l’heure où le portable permet de converser loin des regards et des oreilles traînantes.

Forcément, cette succession d’interprétations pousse à la com­paraison. Quatre reprises se ré­vèlent particulièrement réussies : Arnaud Tsamere, impayable dans la discussion cinématographique sur Le Film porno ; Alex Lutz, remar­quable en consommateur abusé dans Le Crédit gratuit ; François Rollin, toujours aussi unique sur le fil de l’absurde, se demandant « Que se passe-t-il si on ne tond pas un mouton ? » ; et Virginie Hocq, drôlissime en fumeuse novice et perchée dans Le Joint.

En creux, ce spectacle dessine un portrait de Pierre Palmade, de ses angoisses, de ses failles et de ses colères. Textes ciselés, thématiques intemporelles (le racisme ­ordinaire, le poids de la famille, la fourberie humaine…), la force de l’humour « palmadien » tient dans le dialogue avec des personnages imaginaires et dans la justesse des situations. La Scène de ménage, seul texte interprété par Pierre ­Palmade lors de cette soirée, est un petit bijou d’engueulade froide et de mauvaise foi redoutable. Au fil de ce règlement de comptes, le personnage devient un formidable salopard sans scrupule.

Cela vaut le coup de se « refaire Palmade », dommage que cette soirée soit si platement mise en scène dans un décor sans charme.