« Le héros est un personnage normal, plongé en plein conflit » | Sega

Sonic, qui s’apprête à revenir cet été avec un épisode purement rétro, dont Pixels a fait sans scrupule l’un de ses jeux préférés de l’E3, va aussi connaître, cet hiver, un nouvel opus « moderne » en trois dimensions. Un exercice toujours délicat pour le hérisson, qui y trébuche plus souvent qu’il ne s’y balade.

Pour réconcilier tous les fidèles, la Sonic Team, menée par Takashi Iizuka, a décidé de mêler dans Sonic Forces les univers des jeux 3D et 2D, tout en semblant s’inspirer dans un nouveau type de niveaux, où l’on pourra créer son propre personnage, de son univers étendu et non officiel, jeux amateurs et fanarts (« dessins de fan »). Dans le cadre de l’E3, Takashi Iizuka a raconté à Pixels sa démarche, son rapport au hardware, au level design et évoque un hypothétique Sonic Generations 2.

« Sonic Generations » avait été très bien accueilli, et pourtant vous avez ensuite enchaîné avec des jeux différents, « Sonic 4 » et « Sonic Lost World ». Pourquoi avoir attendu six ans pour lui donner une suite ?

Takashi Iizuka : Sonic Generations était un titre très particulier, uniquement destiné à célébrer le 20e anniversaire de Sonic the Hedgehog. Sonic Forces n’en est pas forcément une suite. Mais le 30e anniversaire est dans quatre ans, et ça pourrait être le moment pour un nouvel épisode anniversaire ! Si l’on fait un autre jeu à la manière de Sonic Generations, ce sera sans doute à cette occasion. Sonic Forces est développé par la même équipe que Sonic Generations, mais nous tentons de continuer à enrichir son gameplay.

Les deux jeux partagent le même principe, mélangeant phase de déplacements en 2D et phase en 3D. Sonic est une licence qui est très consciente de sa propre histoire — et qui en joue, non ?

La Sonic Team travaille dur pour continuer d’améliorer sans cesse sa formule, en mélangeant différents types de jeux. Dans Sonic Unleashed, déjà, il y avait des niveaux en 3D, avec des courses très rapides, et des passages d’action/plate-forme. On répète et améliore la même formule, la même expérience depuis, jusqu’au point où l’on est rendu aujourd’hui.

Quelles sont les règles à observer pour bâtir un bon niveau de « Sonic » ?

Il y a un certain nombre de règles. Sonic est un personnage rapide : il faut toujours que l’impression de vitesse soit réussie. Vous savez, quand vous êtes sur une autoroute toute droite, avec rien alentour, vous perdez cette impression de vitesse. Une des règles que l’on observe, c’est d’avoir un bon mélange, un bon tempo, et vraiment communiquer cette sensation de vitesse, c’est alterner les séquences de course et les segments plus posés.

Une des nouveautés de « Sonic Forces », ce sont les « avatar stages », qui mettent en scène un personnage que le joueur peut créer lui-même, et qui ne peut pas courir comme Sonic. A quel point leur conception a-t-elle différé des niveaux classiques ?

Les héros personnalisables sont très similaires à Sonic, et on voulait qu’ils se contrôlent d’une façon proche, mais en même temps ils se jouent très différemment. Et quand nous avons conçu les niveaux ou même les Wispons [les armes spéciales] que les avatars utilisent, nous nous sommes assurés que l’on pouvait exploiter leurs particularités de façon à pouvoir traverser les niveaux de beaucoup plus de façons différentes. On a cherché à faire en sorte qu’il soit fun et original d’utiliser les Wispons, d’utiliser ces personnages, d’explorer ces différentes zones. Les niveaux des avatars sont d’ailleurs beaucoup plus grands.

Ces nouveaux personnages sont-ils un clin d’œil aux fans les plus pointus, ceux qui s’adonnent au « fanart » [dessins et autres créations de fans] ?

Vous avez tout à fait raison, même si ces héros personnalisables ne font pas partie de ceux créés par les fan artists. Ce que l’équipe voulait faire, c’était donner l’occasion de créer des personnages qui ne soient pas des super-héros, comme Sonic, comme Shadow, ou n’importe lequel de ces personnages uniques qui ont beaucoup de présence. L’avatar est un citoyen de la ville attaquée par Eggman, qui a conquis peut-être quatre-vingt-dix-neuf pour cent de la planète. Il y a ces gens, qui se retrouvent plongés en plein conflit, et qui ont ce look de personnages « normaux ». Ils ont décidé de suivre Sonic dans cette aventure, ce ne sont pas des héros encore, mais ils sont sur le chemin de le devenir, de réaliser quelque chose qui les dépasse.

Sonic Forces: Custom Hero Trailer

Comment expliquez-vous l’attrait des fans les plus fidèles de Sonic pour le « fanart » ?

Ça fait plus de vingt ans que je travaille sur Sonic. Je reçois des lettres de fans, des messages sur les réseaux sociaux, des dessins. Je pense qu’ils aiment juste le design des personnages, et ils ont aussi envie de participer à quelque chose d’unique. C’est très impressionnant de voir à quel point les gens sont passionnés par nos personnages. C’est cette passion qu’on a voulu exploiter en permettant aux joueurs, tout en utilisant le look et le style des personnages qui existent dans le monde Sonic, de créer leur propre personnage.

Quel est votre Sonic préféré — en excluant « Sonic Forces » et « Sonic Mania » ?

Sonic Adventure 2. L’histoire et le gameplay étaient parfaitement liés. C’est un jeu que les joueurs tenaient à faire jusqu’au bout, sur lequel ils s’amusaient beaucoup, dont ils avaient plaisir à suivre l’histoire. Une chose que l’on a gardée à l’esprit en faisant Sonic Forces, c’est justement la façon de faire correspondre l’histoire et le gameplay, et être aussi plaisant pendant les cinématiques que pendant les phases de jeu. Mais si on élargit à la série « classique » et aux épisodes 2D, je dirais que mon épisode préféré est Sonic 2. C’est un jeu qui avait un excellent tempo, un excellent rythme, tout le long de l’aventure. Quand j’ai travaillé sur Sonic 3, j’ai essayé de conserver ce genre de design.

Est-ce que vous regardez les nouveaux supports, les nouvelles technologies avec intérêt ? La Switch, la Xbox One X, la VR…

Tout au long de ma carrière, j’ai été très attentif aux avancées du matériel informatique et très intéressé par ce qu’on peut faire avec une cartouche, un disque, etc., et par ce qu’ils peuvent apporter à Sonic the Hedgehog. Mais au fond, ce que veulent les développeurs, c’est surtout qu’un maximum de joueurs puissent profiter de leurs jeux et de leurs contenus. C’est pour ça qu’on sort à présent nos jeux sur tous les supports : ça n’a pas d’importance que vous ayez le meilleur matériel ou, comme moi, la Xbox One originale plutôt que la Xbox One X. On veut juste que vous jouiez au jeu et qu’il vous plaise, plutôt que de devoir développer des spécificités pour chaque plate-forme.

Pourtant le tout premier « Sonic », à l’époque, c’était presque une démonstration technique des capacités de la console…

Oui, mais on parle d’une époque où Sega faisait encore ses propres consoles. Et il faisait tout pour les soutenir. C’est pour ça que l’accent était beaucoup mis sur la performance. Bien sûr, nous sommes toujours passionnés par la technologie, mais depuis que nous ne faisons plus notre propre matériel, on préfère se concentrer sur le Hedgehog Engine 2, le moteur qui fait tourner Sonic Forces. Pour trouver une solution logicielle afin de tirer le meilleur de chacune des plates-formes, d’avoir la meilleure expérience visuelle et le meilleur gameplay sur chacune.