En 2013, Microsoft annonçait la Xbox One, console présentée comme un centre multimédia pour toute la famille, avec caméra interactive Kinect intégrée. Un départ commercial décevant et un repositionnement plus tard, la firme de Redmond a annoncé, dimanche 11 juin au Salon du jeu vidéo de l’E3, la Xbox One X, modèle de console surpuissant destiné aux joueurs les plus technophiles, capable de lire n’importe quel jeu de la gamme, et compatible écrans 4K. Elle rejoint la Xbox One S, version d’entrée de gamme sortie à l’été 2016. A l’occasion d’une présentation de la machine lundi 12 juin, Mike Ybarra, directeur mondial de la plate-forme PC et Xbox, a expliqué au Monde le raisonnement de la marque.

D’un point de vue stratégique et commercial, quelle est la cible de la Xbox One X ?

Mike Ybarra : Ce sont les joueurs qui veulent absolument jouer à la meilleure version des jeux dans leur salon.

Avec la Xbox One X, Microsoft veut revitaliser sa marque, mais aussi tendre des ponts avec le jeu vidéo sur Windows 10. | ROBYN BECK / AFP

Quel est l’intérêt pour Microsoft d’avoir deux modèles de consoles différents ?

Je pense que pour nous c’est une histoire d’innovation. Microsoft a toujours innové et fourni les meilleures technologies, pas seulement dans le domaine du jeu vidéo, mais partout. Nous réfléchissons en termes de technologie, de design, de contenu, de composants... Nous avons commencé en 2012, avec l’idée que Xbox est une marque, et qui innove depuis la toute première Xbox [sortie en 2001], la première à intégrer un disque dur, une prise réseau RJ45, et bien sûr le Xbox Live, qui a vraiment décollé avec la Xbox 360, a permis à des gens de se réunir dans le salon, de former des communautés, de se faire des amis. Tout cela nous a menés à cette box, qui est la meilleure pour jouer à n’importe quel jeu.

La stratégie de Microsoft a-t-elle changé par rapport à il y a quatre ans ?

Il y a quatre ans, nous avons choisi une voie et décidé de donner aux joueurs le choix de ce qu’ils voulaient, et nous continuons. Aux Etats-Unis, la Xbox One S reste à 249 dollars (249 euros en France), et le service d’abonnement Game Pass est une offre de haute valeur pour ceux qui veulent découvrir le catalogue Xbox, avec une centaine de jeux accessibles pour un bas prix mensuel. Nous offrons autant de choix que nous le pouvons, et pour les joueurs qui veulent de la vrai 4K, il y a la Xbox One X à 499 dollars. Cette stratégie de donner le choix au joueur était déjà là il y a quatre ans, nous la poursuivons en élargissement encore plus les options qu’on lui donne. Le Game Pass, la compatibilité entre jeux PC et Xbox, la Xbox One R... tout cela s’inscrit dans la même philosophie.

Pourriez-vous expliquer comment vous avez choisi le nom ?

Quand nous avons créé la première Xbox, le fil conducteur des discussions, c’était qu’il n’y avait rien de plus grand que le X. C’est revenu dans les documents de conception originaux de la Xbox One, quand nous avons présenté le concept de la rétrocompatibilité. Nous avons choisi le nom en référence à la première Xbox, et on l’a gardé parce que le terme a du sens.

Cette console sort à mi-génération. Est-ce un test, ou prévoyez-vous la disparition du cycle de vie commercial classique de cinq-sept ans des consoles de jeu ?

Nous regardons les tendances du marché. Ce que nous avons vu l’année dernière, en tout cas aux Etats-Unis, c’est que les téléviseurs 4K ont été le second cadeau le plus offert à Noël. Dans l’industrie, qu’est-ce qui se passe ? De plus en plus de services se développent, le cloud... le Xbox Live est à nos yeux le meilleur réseau pour ça. Au moment de bâtir la console, on s’est dit : les gens commencent à s’approprier la 4K. Nous sommes allés voir les chaînes retransmettant les Jeux olympiques, le hockey sur glace et les autres événements sportifs importants en 4K. Nous nous sommes dit que nous avions désormais pour la première fois la possibilité d’un point de vue matériel, pour les développeurs, d’amener [des jeux] en 4K dans le salon.

Cela a posé les fondations de ce qu’est cette machine. Mais il y a aussi d’autres choses autour : disque dur plus rapide, beaucoup plus de mémoire vive... Pour tous les jeux, vous n’avez pas seulement 8 millions de pixels à l’écran, mais des jeux qui se chargent beaucoup plus vite, du son spatialisé, etc. Donc vous regardez l’industrie, et ce que demandent les consommateurs, quand vous commencez à planifier les prochaines générations de consoles.

La PS4 Pro a vendu environ 1 million d’exemplaires en huit mois. Est-ce un objectif raisonnable pour vous ?

Nous n’avons pas encore d’objectifs. Notre message est de dire que la Xbox One S est celle qui se vendra le plus en volume, nous voyons que notre annonce [dimanche, Microsoft a annoncé une baisse de prix de 50 dollars] a suscité beaucoup d’enthousiasme, donc on verra.

Le stand de Microsoft à l’E3 2017. | MARK RALSTON / AFP

Prévoyez-vous de distribuer beaucoup de consoles au début ? [La PlayStation 4 Pro s’est retrouvée en rupture de stock à la fin de 2016]

Nous allons en produire autant que nous le pouvons. Dans les limites de ce qu’il est possible de produire, vous savez. Nous travaillons très dur pour avoir un maximum d’unités disponibles avant la saison des fêtes. Mais surtout, nous sommes ravis du niveau de la demande. Il y a beaucoup de préréservation, les distributeurs nous soutiennent. On fait le maximum.

Vous parliez du passage à la 4K, mais si l’on regarde ce qui s’était passé pour celui de la HD, cela avait amené beaucoup de complications pour les développeurs et les éditeurs, en raison de l’explosion des coûts, de la taille des fichiers et des équipes. Avez-vous l’impression que l’industrie est prête pour ce nouveau marché ?

C’est une excellente question. Quand nous avons créé la console, nous nous sommes assurés d’avoir créé un environnement de production, le Xbox Development Kit, qui rend tout cela plus simple. Quand on interroge les développeurs, ils veulent tous aller vers la 4K, ils veulent toujours montrer leur jeu sous son meilleur jour quand ils créent quelque chose. Nombre d’entre eux créent des kits pour PC, avec des options pour améliorer la résolution, et nombre d’entre eux nous demandent de pouvoir faire la même chose de manière simple sur Xbox. Ils nous disent : « Vous avez la plate-forme Windows, cela devrait être super simple. » Par conséquent, un des piliers de notre philosophie de conception était de faire un outil transversal pour PC et Xbox. Et quand vous voyez les gens de Ark, ou Patrick Söderlung [directeur de développement d’Electronic Arts] soulignant à quel point nous leur facilitons la tâche, ce sont de super commentaires venant de gens de l’industrie.

Quel est l’intérêt de faire converger le PC et la Xbox comme vous le faites ?

Votre question précédente l’évoquait déjà, les coûts de développement sont très élevés, mais outre la question de la programmation, cela nous permet de nous assurer que les développeurs touchent l’audience la plus large possible. Pour ma part, je veux rapprocher les communautés PC et console. Quand nous avons annoncé la convergence des jeux Minecraft, l’intérêt était de permettre aux joueurs de se parler, peu importe le périphérique, que ce soit un PC, une Xbox, une Switch, un iOS... Notre vision de Xbox Everywhere, c’est ça. Pour les développeurs c’est une occasion gigantesque car ils peuvent viser n’importe qui, ce ne sont plus des communautés séparées, mais une seule. Nous voulons aller vers ça et Minecraft symbolise cette approche.

Pensez-vous que l’on se dirige vers un marché avec de moins en moins de jeux exclusifs ?

Je ne le pense pas. Les studios internes jouent toujours un rôle capital pour beaucoup de constructeurs. Nous continuerons de miser dessus. C’est important pour nous d’avoir Halo, God of War, Forza, Minecraft... Ils ont un rôle important.

Mais ils ne seront plus que sur consoles, puisqu’ils seront sur PC.

Oui, nous avons à la fois une plate-forme PC et une plate-forme Xbox, et notre approche est de dire : réunissons-les autant que l’on peut.