Des écoliers à Johannesburg en mars 2017. | MARCO LONGARI/AFP

La qualité du « capital humain », santé et éducation, est un élément essentiel du développement économique et social. C’est pourquoi tous les pays accordent une priorité quasi absolue à la montée en compétences de leur population, notamment en matière d’éducation. Nous poursuivons, avec cette analyse, l’exploration des questions démographiques en Afrique, après un premier article.

Les pays d’Afrique subsaharienne ont consenti ces dernières années des moyens considérables pour accroître le niveau d’éducation de leurs populations. Cependant, avec l’accroissement continu des effectifs scolarisables, conséquence d’une forte fécondité, les infrastructures, le nombre d’enseignants, leur formation, ont eu du mal à suivre. La forte progression des taux de scolarisation s’est donc souvent faite au détriment de la qualité de l’enseignement, les systèmes scolaires n’arrivant plus à gérer les flux massifs d’élèves à tous les niveaux.

Une fécondité élevée, frein à la progression de l’éducation

Corrélation entre le nombre moyen d’années d’éducation (2010) et le nombre moyen d’enfants par femme (2005-2010). Source : World Economic Forum, Global Competitiveness Index. | The Conversation

Malgré les progrès réalisés, le nombre moyen d’années d’éducation chez les adultes est toujours faible. Il était ainsi en 2010 de 5,5 ans en moyenne pour les hommes, et de 4,2 ans pour les femmes. Mais, il était d’autant plus faible que la fécondité restait élevée, variant de 8-9 ans à 4 ans pour les hommes, et généralement un peu moins pour les femmes. En comparaison, dans les pays émergents où la fécondité est d’environ 2 enfants par femme, contre 5 en Afrique subsaharienne, le nombre moyen d’années d’éducation était de 9 ans en moyenne chez les hommes, soit deux fois plus élevé.

Les progrès récents des taux de scolarisation à tous les niveaux en Afrique subsaharienne, vont toutefois conduire d’ici vingt à trente ans à des niveaux d’éducation plus élevés chez les adultes de demain. L’indicateur correspondant, « l’espérance de vie scolaire » des jeunes d’aujourd’hui a été estimée à 10,3 ans en moyenne pour les hommes et à 9,2 ans pour les femmes. Mais, à nouveau, les progrès sont estimés moindres dans les pays où la pression des effectifs sur les systèmes scolaires restera forte du fait d’une fécondité initiale plus élevée. Dans les pays émergents, « l’espérance de vie scolaire » devrait aussi continuer à progresser et elle pourrait s’établir à 13 ans pour les hommes et pour les femmes.

Des jeunes générations plus éduquées

Corrélation entre le nombre moyen d’années de scolarité escompté et le nombre moyen d’enfant par femme. Source : World Economic Forum, Global Competitiveness Index. | The Conversation

Les budgets importants accordés à l’éducation par nombre d’Etats africains se sont concentrés sur l’éducation primaire. Il s’agissait en particulier d’assurer une éducation de base à tous les enfants (Education pour tous ou EPT). Ces efforts louables ont cependant été consentis au détriment des moyens consacrés aux niveaux secondaire et supérieur et de la formation professionnelle. Dans les pays émergents, au contraire, plus de la moitié des budgets concerne le secondaire et le supérieur.

Sans ralentissement rapide de l’augmentation des effectifs scolarisables au primaire, résultant d’une baisse rapide de la fécondité, il sera difficile d’envisager une augmentation majeure des moyens consacrés aux autres niveaux d’enseignement. Or la nécessaire amélioration du capital humain en Afrique subsaharienne passe par une progression rapide des effectifs scolarisés aux niveaux secondaires supérieur et professionnel après une éducation de base au primaire qui doit être de qualité.

Augmentation des moyens du secondaire et du supérieur

Relation entre la part des dépenses de scolarité consacrées aux études secondaires et supérieures et l’indice de fécondité. Source : World Development Indicators – 2017. | The Conversation

En résumé, la jeunesse des pays d’Afrique subsaharienne peut constituer un levier majeur de son émergence économique, mais à condition que le capital humain correspondant ait bénéficié d’une formation de qualité et soit compétitif. Ceci n’est guère envisageable si la majorité des moyens accordés à l’éducation continuent de l’être au seul niveau primaire. C’est ce qui risque d’arriver avec les baisses tendancielles lentes de la fécondité qui sont actuellement projetées.

L’accélération de la baisse de la fécondité qui permettra une stabilisation du nombre des naissances apparaît donc comme l’une des conditions nécessaires à une amélioration rapide de la qualité du capital humain des pays d’Afrique subsaharienne. Elle permettra non seulement d’améliorer la qualité de l’enseignement de base, mais aussi de développer l’enseignement au-delà du primaire et ainsi d’augmenter l’employabilité des nombreux jeunes qui vont se présenter sur les marchés du travail africains dans les décennies à venir.

Jean-Pierre Guengant est démographe et directeur de recherche émérite de l’université Paris I-Institut de recherche pour le développement (IRD). Cet article a d’abord été publié par The Conversation.