Une camionnette brûlée au milieu d’une forêt incendiée sur une route menant à Pedrogao Grande, au Portugal, le 19 juin. | MIGUEL VIDAL / REUTERS

Spécialiste du climat en Europe, Robert Vautard travaille au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (Institut Pierre-Simon-Laplace). Il étudie les modélisations des données climatiques en Europe et les effets du réchauffement climatique, notamment sur les sols.

Le terrible incendie qui a sévi au Portugal depuis samedi 17 juin est corrélé à des températures exceptionnelles pour la saison. Assiste-t-on à une accélération accrue des vagues de chaleur ?

Oui, des études ont montré que la probabilité de subir des vagues de chaleur vraiment extrêmes a été multipliée par un facteur 10 par rapport [aux années 1950]. Et il est facile de comprendre que les fortes températures engendrent des conditions très favorables aux risques d’incendie, avec une plus grande fréquence des départs naturels de flammes. Il se produit une sorte de cercle vicieux : des grosses chaleurs assèchent les sols, puis à leur tour ces sols plus secs entraînent une augmentation des températures.

En outre, nos modèles indiquent non seulement des intensités supérieures, mais aussi de nouvelles saisonnalités. Les vagues de chaleur vont se produire plus tôt et plus tard, au printemps et en automne, comme lorsqu’il a fait 33 °C à Paris mi-septembre 2016. Les plans canicule vont devoir s’adapter et ne pas s’arrêter arbitrairement fin août, par exemple.

Ces phénomènes sont-ils liés aux changements climatiques en cours ?

Notre travail porte précisément sur ce sujet. Nous cherchons à savoir dans quelle mesure les événements extrêmes sont liés à ces évolutions. Or les conclusions des études sont très claires : différentes modélisations ont bien montré que l’augmentation des épisodes de chaleur et des risques d’incendie sont liés aux changements causés par les émissions de gaz à effet de serre.

Comment parvenez-vous à établir cette corrélation entre changements climatiques et phénomènes extrêmes ?

Pour cela, il faut pouvoir écarter les autres causes possibles, en dehors des émissions de gaz à effet de serre (GES). Après tout, il s’est déjà produit des étés chauds à la fin des 1940 par exemple – pas autant qu’actuellement tout de même. Nous sommes donc obligés de créer une sorte de monde virtuel exempt des effets des activités humaines, en conservant des valeurs inchangées pour tous les autres facteurs.

Nous travaillons sur cette simulation depuis plusieurs années avec des confrères européens. Mais même avec des méthodologies différentes, nous arrivons aux mêmes conclusions : la plus grande fréquence des vagues de chaleur est essentiellement due aux GES.

C’est le cas aussi des épisodes de précipitations extrêmes, comme les pluies cévenoles notamment. Leur fréquence a augmenté d’un facteur trois. C’est une question de physique : plus les températures grimpent, plus s’évapore de vapeur d’eau, les précipitations contiennent alors davantage d’eau. Pour les événements plus complexes de pluies intenses mais persistantes, nos résultats sont moins probants.

La péninsule ibérique vous apparaît-elle particulièrement vulnérable ?

En effet, d’autant qu’on observe déjà depuis plusieurs décennies des baisses de la pluviométrie en hiver et au printemps en Espagne, au Portugal et jusque dans les Balkans. Les projections indiquent clairement que les changements climatiques à venir vont frapper davantage l’Europe du Sud que celle du Nord, qui va continuer à recevoir des pluies. Plus précisément, il devrait faire plus chaud dans le sud du continent en été et moins froid en hiver dans le nord. La France, de ce point de vue, se situe bien au milieu ! Sa partie méditerranéenne va connaître davantage de sécheresse.

C’est vraiment le sud qui va être le plus touché, surtout autour de la Méditerranée. Même à pluviométrie égale, les températures plus élevées vont assécher les sols par évaporation.

Une de nos études publiée en 2014 montre qu’avec un réchauffement global de deux degrés – c’est-à-dire le maximum de ce que prévoit l’accord de Paris –, l’Europe connaîtrait une augmentation des températures supérieure à cet objectif et des événements extrêmes. Avec un réchauffement de trois degrés, la fréquence des vagues de chaleur connaîtrait une augmentation très significative.