A Paris, le 20 juin. | Thibault Camus / AP

L’été est à peine arrivé et la France suffoque déjà. 66 départements sont en alerte orange à la canicule depuis lundi 19 juin. Un « épisode de canicule précoce, intense pour la période » qui devrait durer au moins jusque jeudi 22 juin, précise Météo France.

Avec une pointe prévue à 36 degrés mardi à Paris, l’information n’a pu échapper à la vigilance des Franciliens. Pas sûr, en revanche, qu’ils soient au courant qu’ils sont également exposés à un épisode de pollution à l’ozone (O3), malgré la couche grisâtre (le fameux smog) qui recouvre la capitale ou les raclements de gorge des collègues au bureau.

Moins connu que les particules fines (PM10), responsables du pic de pollution de fin janvier en région parisienne, l’ozone est un polluant secondaire issu de la combinaison de polluants primaires (oxydes d’azote et monoxyde de carbone) avec des conditions de fort ensoleillement. Cet ozone dit « troposphérique » ou « de basse altitude » ne doit pas être confondu avec l’ozone stratosphérique qui nous protège des rayons ultraviolets.

« Absence totale d’information »

La procédure d’information et de recommandation a été déclenchée lundi 19 juin en Ile-de-France pour des concentrations d’ozone dépassant le seuil limite des 180 µg/m3 par heure. Elle a été reconduite mardi 20 juin et mercredi 21 juin, Airparif prévoyant des niveaux pouvant atteindre jusqu’à 230 µg/m3, soit juste en dessous du seuil d’alerte, fixé à 240 µg/m3.

Le seuil dit d’information correspond à « un niveau de concentration de polluants au-delà duquel une exposition de courte durée présente un risque pour la santé humaine de groupes particulièrement sensibles » comme les enfants, les personnes âgées ou souffrant de pathologies respiratoires et « qui rend nécessaires l’émission d’informations immédiates et adéquates à destination de ces groupes et de recommandations pour réduire certaines émissions ».

Au JT de 20 h et dans les bulletins météo, il est bien question de cette France qui sue, mais pas un mot sur la pollution à l’ozone. « La qualité de l’information sur la canicule souligne en creux l’absence totale d’information sur le pic de pollution à l’ozone », fait remarquer Olivier Blond, le président de l’association Respire, qui soutient des victimes de la pollution de l’air. L’ozone contribue pourtant à la mortalité pendant les canicules. »

Santé publique France (anciennement Institut de veille sanitaire, InVS), estime ainsi que lors de la canicule de 2003, l’ozone aurait contribué à environ 380 décès prématurés (sur un total de 15 000 morts) et que son exposition chronique serait responsable chaque année de près de 500 décès pour causes respiratoires. « Les effets sur la santé de la canicule peuvent être accentués par l’exposition concomitante à l’ozone », alertait l’organisme lors du dernier pic à l’ozone, en août 2016. Une étude de l’InVS portant sur neuf villes entre 1998 et 2006 met en évidence « une interaction entre la chaleur et l’ozone » et montre que « le risque de décès associé à une augmentation de 10 µg/m3 des niveaux d’ozone est plus important un jour très chaud. » Ce cocktail ozone-chaleur est réuni depuis dimanche en région parisienne.

Sur le site de la Mairie de Paris, relooké à la mode olympique, il y a bien tout en bas un onglet « Plan canicule » qui précise que « des salles rafraîchies seront ouvertes de 14 h à 18 h ». Lundi 19 juin, les Parisiens qui auront cliqué sur un autre onglet, « Stationnement résidentiel gratuit », auront aussi appris que « Airparif [prévoyait] pour la journée de mardi un épisode de pollution à l’ozone » et qu’« en raison de ce nouvel épisode de pollution, la Ville de Paris [rendait] le stationnement résidentiel gratuit lundi 19 et mardi 20 juin ». Les transports en commun, eux, ne sont plus rendus gratuits en cas de pic de pollution, depuis que Valérie Pécresse préside la région Ile-de-France.

Le préfet de police refuse la circulation différenciée

Mardi, cet onglet a été remplacé par un autre, plus explicite : « Pic de pollution : les mesures ». Où l’on apprend que Christophe Najdovski, adjoint à la Maire de Paris chargé des transports, a demandé au préfet de police de prendre trois mesures : la mise en place de la circulation différenciée avec l’interdiction des véhicules sans certificat sur la qualité de l’air ou Crit’air 5 et 4 (diesels immatriculés avant le 1er janvier 2001) ; le contournement de l’Ile-de-France par les poids lourds de transit ; la réduction de la vitesse maximum autorisée sur les grands axes.

Si les deux dernières mesures ont été appliquées mardi, le préfet de police a refusé de mettre en place la circulation différenciée mardi et mercredi. Il pourrait toutefois décider d’accéder à la demande la Mairie de Paris pour la journée de jeudi 22 juin.

Olivier Blond dénonce une situation « kafkaïenne ». « Ce retard est incompréhensible. Pourquoi doit-on encore attendre trois jours pour prendre des mesures alors que Airparif a prévenu dès dimanche qu’il y aurait un pic de pollution à l’ozone ? s’interroge le président de Respire. Combien de morts faudra-t-il encore pour que les pouvoirs publics anticipent et adoptent une politique de prévention pour protéger les populations les plus sensibles ? »