C’est le prochain territoire politique à conquérir pour l’empire macronien. Fort depuis dimanche soir de la majorité absolue à l’Assemblée nationale, avec quelque 308 députés La République en marche (LRM), Emmanuel Macron a désormais l’intention de s’attaquer au Sénat. Le président de la République a chargé le sénateur de Côte-d’Or et fidèle de la première heure, François Patriat, de fédérer un groupe LRM conséquent au sein de la deuxième chambre. L’objectif pour le chef de l’Etat est de ne pas attendre le renouvellement du Palais du Luxembourg, qui aura lieu pour moitié en septembre, pour avancer ses pions. L’exécutif veut aller vite et souhaite la constitution de ce groupe dès les prochains jours, tablant sur une soixantaine de sénateurs.

François Patriat, qui se serait bien vu conseiller politique à l’Elysée, a donc repris son bâton de pélerin pour convaincre ses collègues sénateurs de rejoindre les rangs macronistes. Dès lundi 20 juin, il a envoyé un courriel à l’ensemble des élus du Sénat potentiellement « macroncompatibles » pour leur annoncer la création du futur groupe et leur proposer d’y adhérer. « Les défis rencontrés par le pays nous imposent de construire des majorités parlementaires fortes et stables, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat », écrit M. Patriat dans son courrier électronique.

Réserve d’élus chez les socialistes

Le sénateur bourguignon n’a pas attendu les résultats du second tour des législatives pour manœuvrer et s’agite en réalité depuis plusieurs semaines en coulisses. Depuis bientôt un an, près d’une vingtaine de sénateurs macronistes se réunissent autour de lui presque chaque semaine. Parmi eux figurent la sénatrice parisienne Bariza Khiari, l’ancienne ministre socialiste, élue en Seine-et-Marne, Nicole Bricq, mais aussi l’ancien membre du parti Les Républicains, Jean-Baptiste Lemoyne, qui avait fait la campagne d’Alain Juppé pour la primaire à droite.

La plus forte réserve potentielle d’élus au Sénat pour LRM se situe chez les socialistes. A ce stade, les tentations de rejoindre la nouvelle majorité sont maigres chez les sénateurs centristes du groupe UDI-UC ou chez ceux de LR, à l’exception de certains « constructifs » éventuels comme Fabienne Keller ou l’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui devait être reçu par Emmanuel Macron à l’Elysée mardi 20 juin.

La clé de la réussite pour le chef de l’Etat se trouve donc parmi les 111 sénateurs socialistes. Leur président, Didier Guillaume, avait prévu de les réunir mardi matin pour « discuter de la situation politique ». Le sénateur de la Drôme, qui a dirigé la campagne de Manuel Valls à la primaire socialiste, avant de voter pour Emmanuel Macron aux deux tours de la présidentielle, affirme ne pas vouloir rallier le camp présidentiel. En tout cas pour l’instant. « Je ne suis pas En marche !, mais je souhaite donner une chance au gouvernement, les yeux ouverts », explique-t-il. Une bienveillance qui inquiète une partie des sénateurs socialistes décidés à s’opposer au nouvel exécutif. « Le PS doit être clair, il doit être dans une opposition sans faille au gouvernement et ne peut pas laisser son groupe au Sénat soutenir Macron et Edouard Philippe », estime la sénatrice de Paris Marie-Noëlle Lienemann. Le groupe PS devrait indiquer sa position officielle, lors d’un vote interne la semaine prochaine.