Sièges auto de Takata. | KAZUHIRO NOGI / AFP

La rumeur d’un dépôt de bilan de Takata court depuis janvier 2017. Elle pourrait se confirmer en juin, croit savoir le quotidien économique Nihon Keizai (Nikkei). D’après l’édition du 16 juin du journal, le spécialiste des systèmes de sécurité pour voitures – airbags, ceintures et autres sièges pour enfants – pourrait se placer sous la protection de la loi avant la fin du mois au Japon ainsi qu’aux Etats-Unis par l’intermédiaire de sa filiale locale TK Holdings.

Takata a précisé, dans un communiqué, qu’« aucune décision n’a pour l’instant été prise » et que les discussions se poursuivaient « pour la rédaction d’un plan de restructuration ». Mardi 20 juin, l’action Takata a plongé de près de 20 % à la clôture de la Bourse de Tokyo.

S’il a réalisé des ventes à 662,5 milliards de yens (5,4 milliards d’euros) sur l’exercice 2016 clos fin mars et 79,5 milliards de yens (650 millions d’euros) de pertes, le numéro 2 mondial de l’airbag, qui détient environ 20 % des parts de ce marché, a accumulé une dette de plus de 1 000 milliards de yens (8,1 milliards d’euros) en raison du rappel de plus de 100 millions d’airbags dans le monde. Sa faillite serait la plus importante de l’histoire du Japon depuis 1945. Aujourd’hui, le groupe travaille avec 570 sociétés, gère 57 usines dans 21 pays et emploie 50 530 personnes dans le monde.

Premiers rappels d’airbags en 2008

Selon Nihon Keizai, l’américain Key Safety Systems (KSS), propriété du chinois Ningbo Joyson Electronic, serait impliqué dans le dépôt de bilan. Takata et KSS négocient un rapprochement depuis plusieurs mois. D’après le journal, une nouvelle entité créée par KSS achèterait les activités de Takata pour 180 milliards de yens (1,5 milliard d’euros). Les dettes seraient gérées par une structure différente. Les partenaires financiers devraient continuer de soutenir Takata pour assurer le paiement de ses fournisseurs et maintenir l’activité, car les constructeurs automobiles, dont Toyota, ont besoin d’un approvisionnement régulier et près de 40 % des rappels sont toujours à honorer.

Le dépôt de bilan marquerait la fin d’une histoire commencée en 1933 dans le département de Shiga (Ouest) par Takezo Takada, grand-père du président et PDG actuel Shigehisa Takada. Takata a commencé dans le textile et a travaillé pour l’armée impériale pendant la guerre avant de se lancer dans les années 1950 dans les ceintures de sécurité inspirées des systèmes utilisés pour les parachutes et dont le premier acheteur fut Honda, par ailleurs actionnaire de Takata.

Engagé par la suite dans la mise au point de sièges auto pour bébé, le groupe a lancé en 1976 des recherches sur les airbags. Les premiers rappels provoqués par les dysfonctionnements de ces derniers – à l’origine de 16 accidents mortels dans le monde – remontent à 2008. Takata n’aurait jamais réellement mesuré la gravité de la crise. Dans les milieux de l’automobile, il se dit que Shigehisa Takada, fils aîné de l’ancien président du groupe, Juichiro « Jim » Takada – décédé en 2011 et surnommé « l’Empereur » par les employés – n’a pas les qualités nécessaires pour sortir l’entreprise de ses difficultés. Il aurait conservé son poste grâce au soutien de la famille fondatrice, propriétaire de 60 % du capital, et notamment de son influente mère, Akiko Takada. Il pourrait le perdre lors de l’assemblée des actionnaires le 27 juin.

Enquêtes et poursuites aux Etats-Unis

Les enquêtes menées aux Etats-Unis, notamment par l’agence de sécurité routière NHTSA, ont mis en évidence des pratiques douteuses et anciennes. Takata aurait eu conscience du problème des airbags dès 2004, a révélé le quotidien américain New York Times, à la suite de l’accident d’une Honda Accord dans l’Alabama (Sud des Etats-Unis).

Mais ni Takata ni Honda n’auraient ordonné de rappels ou informé les autorités concernées. La lenteur des réactions des deux sociétés aurait incité le Congrès américain à se saisir de l’affaire.

Techniquement, le problème découlerait d’une détérioration de l’agent gonfleur, du nitrate d’ammonium, moins cher et moins toxique que d’autres gaz, mais qui, en cas d’exposition prolongée à la chaleur et à l’humidité, provoquerait des explosions du système, voire son déclenchement intempestif.

Cible aux Etats-Unis de poursuites, au travers notamment d’actions de groupe, l’équipementier nippon a accepté, le 13 janvier, de payer à l’administration américaine 1 milliard de dollars (894 millions d’euros), dont 25 millions d’amendes au gouvernement et 975 millions pour dédommager les constructeurs et les victimes. Le dédommagement spécifique des constructeurs, à hauteur de 850 millions de dollars (760 millions d’euros), doit être réglé d’ici à janvier 2018.