Documentaire sur Arte à 22 h 20

Une des commissions de surendettement gérées par la Banque de France. | © NORD-OUEST DOCUMENTAIRES

Aujourd’hui en Europe, une personne sur vingt est touchée par le surendettement. A cause de lui, on peut perdre tout espoir, ne plus dormir, être tenaillé par l’angoisse, la honte, voire parfois se donner la mort, comme le souligne de manière inquiétante l’enquête approfondie que Frédéric Castaignède a menée de Madrid à Londres, de Paris à Athènes et Reykjavik.

Face caméra, des citoyens britanniques, français, grecs, danois ou encore suédois racontent la spirale dans laquelle ils sont ­aspirés : les crédits pris pour en rembourser d’autres, les menaces de certains créanciers, l’angoisse au quotidien.

Depuis la crise financière mondiale de 2008, le profil des endettés a changé : ce ne sont plus nécessairement des acheteurs compulsifs mais les victimes d’un système – telle la bulle immobilière – ou ce que l’on appelle pudiquement des accidents de la vie (chômage, divorce…).

Redoutables techniques de marketing

Si le cycle infernal n’a pas de frontières, chaque pays a sa spécificité pour piéger les malheureux, qu’ils soient issus de milieux modestes ou, de plus en plus, des classes moyennes, endettées pour l’achat immobilier. En Espagne ou en Islande par exemple, la bulle immobilière est la cause principale de ce fléau. Au Danemark, les taux d’endettement sont monstrueux et certains organismes proposent même aux jeunes, directement sur leur portable, des « prêts SMS » avec des taux d’intérêt stratosphériques. Au Royaume-Uni, des organismes sans scrupule, ayant pignon sur rue, offrent des prêts à très court terme à des taux indécents qui pour certains avoisinent sur un an 1 223 % !

En France, de grandes banques ont racheté des organismes de crédit et font appel à de redoutables techniques de marketing afin de vous faire craquer sur le fameux crédit renouvelable que vous ne sentez pas passer… Même si la loi Lagarde de 2010 permet d’encadrer les crédits à la consommation, des banquiers trouvent encore la parade pour contourner la loi et en proposer d’autres à une clientèle insolvable.

© NORD-OUEST DOCUMENTAIRES

Dans ce paysage inquiétant, ce documentaire a le mérite de donner largement la parole à celles et ceux, souvent bénévoles, qui se battent au sein d’associations pour tenter d’éviter le pire aux victimes du surendettement. Au Royaume-Uni, où la situation des économiquement faibles est très préoccupante, un organisme comme Step Change leur propose des plans de remboursement acceptables. En Espagne, la PAH (Plate-forme des victimes du crédit hypothécaire) s’occupe des dossiers douloureux de familles expulsées de leurs logements.

En France, l’association Crésus, qui comprend six cents bénévoles (dont d’anciens banquiers), abat un travail considérable pour sortir de la misère des gens endettés jusqu’au cou, souvent paumés, parfois révoltés. « A Crésus, il n’est pas rare de recevoir trois générations en même temps », souligne son président Jean-Louis Kiehl, qui voit de plus en plus de seniors emprunter pour aider leurs enfants et petits-enfants. La France est le dernier pays d’Europe ne disposant pas d’un fichier national recensant les crédits aux particuliers, les banques refusant de partager leurs informations. En attendant que la situation évolue, les surendettés vivent un cauchemar.

Morts à crédit, de Frédéric Castaignède (Fr., 2016, 95 min).