L’avis du « Monde » – pourquoi pas

Ana et Toma tombent amoureux dans leur chambre d’étudiant. Ils sortiront et vivront ensemble, se marieront, auront un enfant, se sépareront, comme beaucoup d’autres couples. Ana subit cependant de violentes crises d’angoisse et Toma semble s’accrocher à elle désespérément. Leur relation a cette singularité de ressembler à une forme d’addiction et chancelle à travers les années entre dépendance et toxicité.

Avec ce quatrième long-métrage, Ours d’argent au Festival de Berlin en février, le Roumain Calin Peter Netzer (Mère et fils, déjà Ours d’or en 2013), radiographie par le menu la vie et la mort d’un couple, de l’embrasement de la rencontre aux spasmes de la séparation. En prélevant ses personnages au sein de la classe intellectuelle roumaine (Ana et Toma se découvrent en conversant sur le concept nietzschéen du surhomme), il rend sensible le basculement des mentalités, entre le modèle du paternalisme protecteur, hérité du communisme, et celui d’un individualisme forcené, induit par l’ouverture précipitée du pays à l’économie de marché. Cette perspective à la fois psychologique et historique est sans doute ce que le film propose de plus intéressant, au-delà d’une fresque intime démontrant que le plus dépendant de l’autre n’est pas forcément celui qu’on croit.

Vérisme au ras des pâquerettes

On regrette toutefois que la conception, par Calin Peter Netzer, d’un portrait sans fard, soit celle d’un vérisme souvent au ras des pâquerettes (son goût pour les effusions corporelles en tous genres), se répercutant dans une mise en scène qui surjoue l’effet de réel. L’idée d’associer le récit à la psychanalyse de Toma, retraçant toute son histoire dans le désordre, au fil de ses associations d’idées, aurait pu s’avérer stimulante si elle avait contrebalancé l’entropie annoncée de sa relation avec Ana.

Or, chaque scène vient répéter le même motif, celui du « ver dans le fruit », repeignant tout aux couleurs d’un même scepticisme rétrospectif. De plus, les séances de psychanalyse de Toma apposent sur l’ensemble une sorte de commentaire explicatif, inutilement redondant. En somme, la finesse d’observation dont le film aurait pu se prévaloir, croule à chaque fois sous sa volonté d’en dire ou d’en montrer trop.

Film roumain, allemand et français de Calin Peter Netzer. Avec Diana Cavallioti, Mircea Postelnicu, Carmen Tanase, Vasile Muraru, Adrian Titieni (2 h 07). Sur le Web : www.sddistribution.fr/film/ana-mon-amour/116