Emmanuel Macron et François Bayrou à Reims, le 17 mars. | Laurence Geai pour Le Monde

C’est fait. A leur tour, François Bayrou et Marielle de Sarnez ont annoncé, mercredi 21 juin en début de matinée, par une simple déclaration à l’AFP leur décision de ne plus faire partie du gouvernement, dont la composition devait en principe être dévoilée en fin d’après-midi. Le président du MoDem devait tenir une conférence de presse à 17 heures pour en expliquer les raisons.

Au lendemain de l’annonce faite par Sylvie Goulard, précédemment ministre des armées, de ne plus faire partie du gouvernement, la position des deux dirigeants historiques du MoDem devenait de plus en plus intenable. Indirectement, en indiquant dans son communiqué vouloir faire la preuve de sa « bonne foi », en invoquant un devoir d’« exigence », elle renvoyait ses deux collègues à une obligation morale de faire eux aussi un choix.

Jusqu’à présent, le premier ministre, Edouard Philippe, s’était tenu à la règle selon laquelle seule une mise en examen devait justifier une mise en retrait du gouvernement. Le départ de Richard Ferrand, éphémère ministre de la cohésion des territoires, lundi, puis celui de Mme Goulard ont marqué une rupture. Les ex-ministres de la justice et des affaires européennes en font les frais.

« Est-ce que j’ai l’air d’être sous pression ? »

Pourtant, mardi encore, M. Bayrou écartait cette option. Pour le président du MoDem, le choix de Mme Goulard était motivé par des « raisons strictement personnelles ». Il ne voyait pas en quoi cela devrait entraîner sa propre démission, malgré la pression de plus en plus forte organisée tant du côté des « macronistes » que de l’opposition. Ainsi, dans un communiqué, le secrétaire général du parti Les Républicains (LR), Bernard Accoyer, demandait « solennellement au premier ministre de prendre ses responsabilités en exigeant les démissions de François Bayrou et de Marielle de Sarnez ».

« Quelle pression ? Est-ce que j’ai l’air d’être sous pression ?, balayait M. Bayrou. J’ai vu trois fois le président de la République depuis les législatives. C’est lui qui forme le gouvernement et je sais les relations que j’ai avec lui. » Mais cette fois, cette relation privilégiée, bilatérale, que le maire de Pau avait voulu installer avec le chef de l’Etat n’a pas suffi. Ce dernier avait passé l’éponge quand le président du MoDem avait fait monter les enchères sur les investitures aux législatives. Il avait encore fait montre de tolérance quand le ministre de la justice avait bravé l’autorité du premier ministre.

M. Bayrou a-t-il surestimé son importance dans le dispositif de M. Macron ? Les législatives ont apporté au président de la République une majorité absolue à l’Assemblée nationale avec le seul groupe La République en marche. Plutôt que de laisser le poison des affaires se diffuser et gangrener l’action de son gouvernement, il a préféré trancher dans le vif, quitte à se payer une brève crise politique avec son allié d’hier devenu un encombrant partenaire.

Pour le président du MoDem, qui avait touché au Capitole, ce soudain retournement ressemble à la Roche Tarpéienne. Décidément, pour lui, toutes les élections présidentielles, depuis 2002, se suivent et se ressemblent : systématiquement, il se trouve pris à contre-pied. Cette fois, il pensait avoir fait le bon choix et en engranger les dividendes. Les choses se présentaient plutôt sous les meilleurs auspices avec trois postes ministériels et 42 députés élus. Inespéré pour une force politique donnée à l’agonie il y a peu.

« Pousse-toi de là »

Retour à la case départ, ou presque. M. Bayrou se voyait faiseur de roi. Il va devoir se replier sur ses terres du Béarn avec pour seul mandat celui de maire de Pau. Quant à Mme de Sarnez, élue députée dans la 11e circonscription de Paris, elle envisage à présent de prendre la présidence du groupe MoDem de l’Assemblée nationale. Une perspective qui en laisse plus d’un sceptique et risque de faire grincer des dents chez les élus MoDem.

« Avant que toute cette histoire se déclenche, il y avait des gens qui prétendaient, légitimement, à la présidence du groupe », explique un cadre de la formation centriste, faisant référence à Marc Fesneau, le secrétaire général du MoDem, élu dimanche député de Loir-et-Cher. « On lui dit maintenant “pousse-toi de là”, mais il faut que Marielle réalise qu’elle ne fait pas l’unanimité, poursuit cette source. Si elle prend la présidence, il y a un risque de fronde, voire de fuite. »

Quel va être désormais le positionnement du MoDem dans cette nouvelle configuration où il ne fait plus partie du gouvernement, mais où ses députés ont été élus sur le nom de M. Macron ? Le groupe va-t-il réussir à préserver son unité ? Certains ne vont-ils pas être tentés de rejoindre directement le groupe « macroniste » ? Après avoir sablé le champagne, M. Bayrou et ses amis commencent à sentir les premiers effets du dégrisement.