C’est dans l’espace que va se livrer une partie importante du combat contre le changement climatique. C’est là que les agences spatiales vont analyser, au moyen de leurs systèmes de surveillance de dernière génération, les émissions de CO2 et de méthane – principaux facteurs du réchauffement en cours. A l’occasion du 52e Salon international de l’aéronautique et de l’espace de Paris-Le Bourget, qui se tient du 19 au 25 juin, le Centre national d’études spatiales (CNES) présente ainsi deux projets dédiés aux gaz à effet de serre (GES).

Ces derniers sont déjà observés par des satellites, notamment américains, japonais ou chinois. Leurs émissions sont en outre analysées et mesurées aussi à partir du sol mais, explique le CNES, plus les données sont nombreuses et les méthodes de calcul diversifiées, plus les résultats sont intéressants. « Pour l’heure, les mesures au sol sont trop parcellaires, trop ponctuelles, et l’accès aux données des autres agences n’est pas toujours simple. Nous menons nos propres recherches et nous avons besoin de nos propres outils », explique Eric Brel, de la direction de la programmation, de l’international et de la qualité au CNES.

Observer les flux de méthane

Le premier de ces programmes, Merlin (pour MEthane Remote sensing Lidar missioN) vise à lancer un satellite pour mesurer les flux de méthane (CH4) autour du globe, grâce à un lidar (Light detection and ranging), une sorte de faisceau lumineux qui permet de calculer la concentration de ce puissant gaz à effet de serre, de jour comme de nuit.

« Cette mission est unique, c’est une première mondiale que nous développons avec l’agence spatiale allemande [Deutsches Zentrum für Luft- und Raumfahrt]. Elle doit nous apporter beaucoup plus de précisions que les instruments passifs actuels », fait valoir Pascale Ultré-Guérard, la directrice adjointe de la programmation, de l’international et de la qualité.

Ce satellite, qui devrait être lancé en 2021, permettra d’observer ces flux de méthane dans des régions peu couvertes actuellement comme l’Arctique, l’Eurasie et les zones tropicales. Les zones humides vont être particulièrement scrutées car elles émettent de fortes quantités de méthane, entre 92 et 200 millions de tonnes par an ; c’est le cas en particulier des rizières. Les émissions totales de méthane d’origine naturelle et anthropique – alimentées notamment par les activités minières et agricoles –, s’élèvent à 550 millions de tonnes par an.

La communauté scientifique s’intéresse vivement aux concentrations et aux flux de ce GES dans les zones polaires, où les glaces fondent et le permafrost se réchauffe. « Mais dans ces régions particulières, la lumière solaire varie selon les saisons et est souvent insuffisante. Avec le lidar qui est source de lumière, l’observation sera possible », avance Eric Brel.

Le programme franco-allemand Merlin est né au lendemain de la conférence sur le climat qui s’est tenue à Copenhague en 2009, la COP 15. Son coût, qui avoisine les 200 millions d’euros, est réparti entre les deux pays. Merlin complète d’autres dispositifs d’observation satellitaire, japonais et chinois notamment, tandis que les Etats-Unis viennent d’annuler le leur : OCO (Orbiting Carbon Observatory).

Un deuxième satellite, qui devrait être mis sur orbite en 2020, participe à la mission Microcarb sur les émissions de CO2. Ce programme est, lui, né pendant la COP21 à Paris, fin 2015, alors que les discussions sur le climat battaient leur plein. D’un budget de 160 millions d’euros au total, il associe le CNES à l’agence spatiale britannique (UK Space Agency).

« Grâce à lui, nous devrions pouvoir disposer rapidement d’une mesure opérationnelle des émissions dans l’espace de ce gaz à effet de serre. Nous voulons aussi mieux comprendre si, avec le réchauffement, le système de stockage dans l’atmosphère, les océans et le végétal, va continuer à fonctionner de la même façon », précise encore Eric Brel. Ces données présentent un intérêt stratégique pour l’établissement des politiques climatiques en Europe, alors que celle-ci ne dispose pas encore de son propre système de mesure.

« Répondre aux défis de l’humanité »

Mais l’agence spatiale française ne s’intéresse pas qu’aux seuls gaz à émission de serre. Elle souhaite aussi, avec ses moyens, aider à atteindre les objectifs de développement durable (ODD) que se sont fixé les Nations unies en septembre 2015. Les outils techniques du CNES doivent pouvoir contribuer à « répondre aux défis et problèmes de l’humanité », ainsi que l’affirme Paolo Baiocco, de la direction de la programmation, de l’international et de la qualité du CNES.

Parmi les 17 ODD retenus par l’ONU, l’agence estime pouvoir contribuer au thème des « mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques », ou encore à celui sur la conservation et l’exploitation durable des océans. Elle peut aussi s’appuyer sur ses prouesses spatiales pour aider à la réalisation des objectifs ayant trait à la préservation, la restauration et l’exploitation durable des écosystèmes terrestres et d’eau douce, aux forêts, zones arides, zones humides, etc. Les technologies spatiales peuvent aussi apporter des solutions en télémédecine et contribuer à la prévision des épidémies.

Pour le CNES, la grande conférence internationale qui se tiendra à Vienne en juin 2018 à l’occasion du cinquantième anniversaire de la Conférence des Nations unies sur l’exploration et les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphériques (UNISPACE + 50) constitue une prochaine étape. D’ici là, l’agence entend bien démontrer l’importance des technologies spatiales pour la préservation de la planète.