Le premier ministre, Edouard Philippe, le 6 juin à Paris. | ALAIN JOCARD / AFP

La France parviendra-t-elle en 2017 à contenir son déficit public dans la limite de 2,8 % du produit intérieur brut (PIB), comme le prévoit le programme de stabilité transmis à Bruxelles par le précédent gouvernement ? Même le premier ministre en doute. « J’étais dubitatif au moment où ça a été annoncé. Je le suis encore un peu plus, parce qu’à la place qui est la mienne je vois arriver toute une série d’informations qui me laissent à penser que le 2,8 % ne va pas être tenu », a indiqué Edouard Philippe, mardi 20 juin sur RMC-BFM-TV, ajoutant que le risque de dérapage budgétaire n’était pas exclu et que des mesures correctives devraient « probablement » être prises.

En attendant l’audit des finances publiques qui devrait être remis le 29 juin par la Cour des comptes, le gouvernement doit parer à l’immédiat : éviter un dérapage excessif qui affaiblirait le crédit de la France auprès de ses partenaires, tout en se donnant les moyens d’inscrire dans le projet de loi de finances pour 2018 en préparation des engagements de campagne d’Emmanuel Macron. Parmi ceux-ci, notamment, l’exonération progressive de la taxe d’habitation pour les contribuables dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 20 000 euros ou la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune. Au moins 5 à 6 milliards à trouver, auxquels vont s’ajouter d’autres augmentations de dépenses prévues en matière de sécurité ou d’investissement.

Jouer sur les crédits des ministères

Le gouvernement ayant écarté l’idée d’une loi de finances rectificative – un « collectif budgétaire » – au cours de l’été, il va donc devoir jouer sur les crédits des ministères, s’il veut rester « dans les clous » des 3 % de déficit en 2017. Ce n’est pas gagné. Déjà, fin mai, la Cour des comptes, dans son rapport sur le budget de l’Etat 2016, estimait que « l’accélération de la croissance des dépenses fiscales et les reports de charges créent un risque sur l’exécution 2017 ».

En effet, le coût du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) devrait s’alourdir de plus de 3 milliards d’euros (15,8 milliards contre 12,6 milliards en 2016). Une augmentation qui va se poursuivre en 2018 pour atteindre 20,6 milliards d’euros. Hors CICE et prime pour l’emploi, les dépenses fiscales s’élèvent à 73 milliards d’euros. La Cour relevait également dans son rapport des reports de charges tendant à minorer l’évolution des dépenses de près de 2 milliards, ce qu’elle qualifiait d’« accommodements critiquables ».

Mais le plus délicat, probablement, reste à venir, notamment en raison de la hausse des dépenses de personnel, qui va s’amplifier du fait des effets différés du protocole d’accord sur la revalorisation des carrières conclu fin 2015. S’y ajoutent de nouvelles dépenses fiscales, comme le crédit d’impôt emploi à domicile, l’extension du crédit d’impôt de taxe sur les salaires pour l’économie sociale et solidaire ainsi que l’envolée probable du crédit d’impôt transition énergétique qui vont faire flamber la facture et, pour reprendre l’expression de la Cour des comptes, font peser des « incertitudes sur la trajectoire budgétaire ».

L’accélération de la croissance entrevue par l’Insee apporte certes un bol d’oxygène, qui devrait se traduire notamment par une hausse des recettes fiscales. L’exercice n’en reste pas moins ardu.

L’audit qui doit être remis au premier ministre a pour vertu essentielle de permettre d’exposer au grand public l’état des finances publiques et les difficultés auxquelles la nouvelle majorité doit faire face. De faire de la pédagogie, en quelque sorte, ce que François Hollande n’avait pas su faire en 2012.