En août 2015, 71 migrants sont mortes d’étouffement dans un camion frigorfique. Sur les lieux de la découverte du véhicule à Parndorf, en Autriche. | HEINZ-PETER BADER / REUTERS

Vingt-deux mois après que les corps sans vie de 71 migrants ont été retrouvés dans un camion frigorifique en Autriche, le procès des trafiquants responsables de la tragédie s’ouvre mercredi 21 juin en Hongrie. Onze hommes d’origine bulgare, libanaise et afghane doivent répondre de « tortures » et pour quatre d’entre eux d’homicides devant la cour d’assises de Kecskemét, ville du sud du pays où le véhicule avait été loué. La procédure doit se dérouler sur plusieurs mois, la justice espérant rendre son verdict « cette année ».

Le parquet a d’ores et déjà annoncé qu’il requerrait la réclusion criminelle à perpétuité incompressible à l’encontre des quatre accusés d’homicides, insistant sur la « circonstance aggravante de cruauté particulière ». Il s’agit d’un Afghan âgé de 30 ans, chef présumé du réseau, et de trois Bulgares : son adjoint (31 ans), le chauffeur du camion (26 ans) et l’accompagnateur (39 ans) de ce dernier.

Des peines allant jusqu’à vingt ans de prison ferme seront requises à l’encontre des sept autres membres du réseau, six Bulgares et un Libanais. A l’exception d’un de ces Bulgares, qui sera jugé par défaut, tous les accusés sont sous les verrous.

« Qu’il les laisse plutôt mourir »

Le 27 août 2015, la police autrichienne avait découvert le camion frigorifique abandonné sur une autoroute à Parndorf, près de la frontière hongroise, avec sa macabre cargaison à bord. L’enquête a établi que les migrants avaient été pris en charge la veille à l’aube à Morahalom, près de la frontière serbe. Entassés dans 14 mètres carrés, avec moins de 30 mètres cubes d’air pour respirer, ils avaient succombé alors que le véhicule se trouvait encore sur le territoire hongrois, selon les légistes.

Les charges à l’encontre des passeurs sont d’autant plus accablantes que des écoutes téléphoniques ont établi qu’ils n’ignoraient rien du drame en train de se jouer. Alerté par ses hommes que les personnes présentes à l’arrière du véhicule suffoquaient et criaient pour qu’on leur donne de l’air, Samsoor L., le chef afghan, avait formellement interdit que soit entrouvert le compartiment. « Qu’il les laisse plutôt mourir. C’est un ordre », avait-il intimé à son adjoint, qui lui demandait quelles consignes donner au chauffeur. « S’ils meurent, qu’il les décharge dans une forêt en Allemagne », avait-il par ailleurs déclaré.

Par ailleurs, le jour où le camion avait été découvert, les trafiquants avaient organisé un nouveau transport suivant le même mode opératoire : les 67 passagers n’avaient eu la vie sauve que parce qu’ils avaient réussi à défoncer la porte.

Les responsables de la bande, qui opérait depuis février 2015, étaient sur écoutes. Mais leurs conversations – qui se faisaient en bulgare, en serbe et en pachtoune – étaient enregistrées et non suivies en direct. L’organisation avait généré d’importants profits en convoyant en sept mois au moins 1 106 personnes à qui il était demandé de 1 000 à 1 500 euros chacune pour passer en Autriche, selon le parquet.

Une onde de choc en Europe

Dans le détail, cinquante-neuf hommes, huit femmes et quatre enfants, originaires de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan, sont morts d’étouffement dans le compartiment hermétiquement clos du camion. Le drame avait provoqué une onde de choc en Europe et favorisé l’ouverture momentanée des frontières aux centaines de milliers de personnes désireuses de rejoindre l’ouest du continent. Grâce à un travail de fourmi de la police autrichienne, les corps des victimes de Parndorf ont tous pu, à l’exception d’un seul, être identifiés. La majorité d’entre eux ont été rendus à leurs proches, les autres ont été enterrés à Vienne.