« Ici, on est plus que bien ! », lance Abdelkrim Sekak, un Algérien vivant en France depuis quinze ans. M. Sekak a investi, en mai 2015, l’un des pavillons de la cité de l’Air, à Athis-Mons. Et il se retrouve, comme 170 de ses voisins, sous la menace d’une expulsion. Le jugement du 24 novembre 2015, à l’issue d’une procédure en référé à l’initiative de l’Etat, est déjà ancien, mais il semble devoir être bientôt exécuté puisqu’un huissier est passé, le 20 juin, distribuer les commandements de déguerpir.

Des Syriens, des Kurdes, des Algériens, des Marocains et des Français ont, depuis deux ans, trouvé refuge dans ces pavillons vacants depuis des années, vétustes mais encore habitables, entourés d’herbe et de grands et beaux arbres, des espaces verts que les enfants ont vite conquis. Construits dans les années 1950 à l’intention des salariés de l’aéroport d’Orly, tout proche, et d’Air France, certains ont, depuis, été vendus à un bailleur social, l’Immobilière 3F, et d’autres laissés en l’état. « C’est un petit bout de campagne, à quelques mètres du centre-ville et des transports », raconte Etienne Fortin, l’un de ces habitants historiques, toujours employé à la maintenance des avions, et président de l’association des locataires : « Les anciens ne côtoient guère les nouveaux habitants mais la cohabitation est plutôt paisible. »

« Ici, j’ai l’essentiel : la sécurité »

L’association Droit au logement (DAL) soutient les squatters. Elle a improvisé, mercredi 21 juin, une manifestation en forme de fête en réponse à leur expulsion imminente et à l’absence de dispositions prises pour des relogements. Plusieurs d’entre eux ont pourtant obtenu le bénéfice du droit au logement ou à l’hébergement opposable (Dalo et Daho), comme c’est le cas d’un mécanicien algérien, employé dans un garage et qui conserve encore l’espoir de se voir attribuer un logement social.

« Ici, j’ai l’essentiel : la sécurité », confie un père de trois enfants, d’origine syrienne, peintre en bâtiment mais toujours interdit de travailler en France, dans l’attente de l’obtention de son statut de réfugié : « Je me suis rendu dix fois en mairie pour scolariser mes deux filles de 9 et 10 ans, et l’on me répond toujours qu’il n’y a pas de place », témoigne-t-il. Seuls 12 des 27 enfants scolarisables ont, en effet, pu intégrer une classe. Maryama, âgée de 7 ans, est en CM1 et commence à bien parler français, tandis que ses deux amies du même âge ne s’expriment qu’en arabe. « Nos écoles sont surchargées, répond Christine Rodier, maire (LR) d’Athis-Mons, avec des classes de 30 élèves alors que nous sommes classés en zone d’éducation prioritaire, et je ne peux pas en construire de nouvelles », estime-t-elle.

Cinq heures sans eau, par 35° à l’ombre

La maire voit dans la présence de ces familles une charge sociale supplémentaire dans une ville qui compte déjà 40 % de HLM, et une source de nuisances : « C’est un drame humain, la situation est alarmante, mais l’Etat ne prend pas ses responsabilités », juge-t-elle.

Ces difficultés quotidiennes, l’inquiétude du lendemain dans la perspective de l’expulsion, et la chaleur caniculaire de ce 21 juin contribuent à faire rapidement monter la tension lorsque, vers 11 heures du matin, surgit la camionnette de deux techniciens de Véolia venus couper l’eau du quartier. Pressés de questions par les habitants, ils ne pourront repartir que grâce à la médiation de Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de DAL, et après avoir assuré que l’interruption est due à une simple opération de maintenance, l’eau devant être rétablie dans les deux heures : il faudra finalement patienter cinq heures sans eau, par 35° à l’ombre…

Pour faire entendre leur voix, les occupants de la cité de l’Air prévoyaient, le 22 juin, de manifester à la sous-préfecture de Palaiseau, « faute de ministre du logement, puisqu’il n’a pas encore été nommé », ironise Jean-Baptiste Eyraud.