Documentaire sur France 3 à 23 h 20

Blousons Noirs, les rebelles sans cause

Lorsqu’en 1977, Renaud, Perfecto noir sur le dos, chante Laisse béton, le phénomène qui avait tant défrayé la chronique à la fin des années 1950 n’est plus. Ou plus exactement, la panique morale sur la décadence des mœurs construite autour des « blousons noirs » qui terrorisaient, disait-on, la France, s’était depuis longtemps muée en phénomène culturel. Comme l’illustreront, dans les années 1970, le retour du rockabilly ou la figure gentillette de Fonzy, héros de la série américaine Happy Days.

Or, entre l’affaire du square Saint-Lambert, dans le 15e arrondissement à Paris, qui vit, en 1959, deux bandes rivales s’affronter à coups de chaînes de vélo, de poings américains et d’os de mouton, et un article de Paris Match de 1963 se terminant par « Nous sommes tous des blousons noirs », trois petites années se seront écoulées, avant que la psychose ne retombe. Psychose du reste, comme le souligne le ­sociologue Laurent Mucchielli (auteur avec Marwan Mohammed de Les Bandes de jeunes. Des blousons noirs à nos jours, La Découverte, 2007), dont les ­médias auront fixé l’iconographie (blousons noirs, jeans, bottes, banlieue…), et les politiques contribué à alimenter la peur.

blouson noir début années 60 | © Sunset Presse

Une légende urbaine

A l’instar du préfet de Paris, Maurice Papon, qui, face à cette décadence de l’autorité paternelle et de jeunes pervertis par l’industrie américaine, songea à interdire les concerts de rock.

Ces trois années, au cours desquelles cette jeunesse issue de ­cités tente de combler l’ennui dans une délinquance virile et « ludique », auront suffi pour construire cette légende urbaine des « blousons noirs », dont Alexia Sauvageon et Christophe Weber retracent l’histoire sociale, po­litique et culturelle. Sans être rock’n’roll dans la forme, ce ­documentaire, qui entrecroise films d’archives, documents d’épo­que (tel ce rapport ­officiel attestant que le taux de délinquance juvénile est bien inférieur à celui enregistré dans l’immédiat après-guerre) mais aussi analyses de spécialistes et témoignages d’anciens « blousons noirs », résonne par endroits – notamment dans les discours médiatico-politiques – d’étranges échos contemporains.

Les Blousons noirs. Les Rebelles sans cause, d’Alexia Sauvageon et Christophe Weber (France, 2015, 60 min).