La Cour suprême du Ghana a déclaré, jeudi 22 juin, que la présence à Accra de deux anciens détenus du camp de Guantanamo, depuis janvier 2016, était « inconstitutionnelle », affirmant que leur transfèrement dans le pays aurait dû être approuvé par le Parlement. La juge Sophia Akuffo a estimé que « si le gouvernement ne soumet pas une demande au Parlement, qui approuvera ou non leur présence dans les trois mois, les deux détenus devront retourner aux Etats-Unis ».

La fermeture du camp de Guantanamo, au large de Cuba, était l’une des promesses électorales de l’ancien président américain Barack Obama. Mais en janvier 2017, une quarantaine de personnes y étaient encore détenues. Peu de pays ont accepté de recevoir les anciens prisonniers, rendant leur transfèrement parfois impossible. Mahmud Umar Muhammad Bin Atef et Khalid Muhammad Salih Al-Dhuby ont été les premiers détenus à être transférés dans un pays d’Afrique subsaharienne.

« Un climat politique intense »

M. Al-Dhuby a vécu toute sa vie en Arabie saoudite mais affirme avoir la nationalité yéménite. Il fut un membre « probable » du réseau islamiste Al-Qaida et aurait été entraîné dans un camp de combattants en Afghanistan. M. Bin Atef, quant à lui, a été membre des talibans et a combattu dans la 55e brigade d’élite d’Oussama Ben Laden, selon une enquête menée aux Etats-Unis. Dans un court échange avec l’AFP, il s’est dit « très malade », n’ayant « pas la force de parler davantage ».

Au Ghana, la présence de MM. Al-Dhuby et Bin Atef a suscité une grande polémique et deux citoyens, Margaret Bamful et Henry Nana Boakye, ont décidé de porter plainte, assurant que « le président [John Dramani Mahama, au pouvoir jusqu’en janvier 2017] a agi de manière inconstitutionnelle en acceptant leur transfèrement ». Tous deux sont des membres du parti désormais au pouvoir, le New Patriotic Party (NPP), et M. Nana Boakye a été nommé directeur adjoint d’une institution publique, le National Service Sheme, après l’élection du nouveau président, Nana Akufo-Addo.

Les avocats américains de l’un des ex-détenus, qui suivent les dossiers de prisonniers de Guantanamo mais ne souhaitent pas être nommés dans les médias, ont tenté en vain d’alerter le Conseil d’Etat américain sur le « climat politique intense qui entoure [leurs] clients depuis la victoire de l’opposition aux dernières élections [en décembre 2016] ». « De tous les pays ayant accueilli des anciens prisonniers de Guantanamo, le Ghana est sûrement le seul où ce transfèrement a été si politisé, rendant l’intégration de notre client particulièrement difficile », a expliqué l’avocat de M. Bin Atef à l’AFP.

Le cabinet d’avocats affirme ne pas avoir été informé de la tenue de l’audience, jeudi, et la défense des deux ex-détenus a été assurée par le procureur général.

Une surveillance étroite

MM. Al-Dhuby et Bin Atef font l’objet d’une surveillance étroite sur le sol ghanéen, bien que le ministère américain de la défense estimait, en 2016, qu’ils ne représentent pas de menace. « Nous nous sommes mis d’accord pour avoir des assurances en matière de sécurité », avait alors déclaré le représentant du Pentagone. Selon le communiqué du Pentagone publié en janvier 2016, Washington s’est coordonné avec Accra « pour s’assurer que ces transfèrements ont lieu conformément aux mesures appropriées de sécurité et de traitement humain ».

« Notre plus grande inquiétude tient au fait qu’à Washington, la plupart des personnes affectées au transfèrement des anciens détenus de Guantanamo ont dû quitter leurs fonctions avec l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, et il n’y a eu à ce jour aucun remplacement », regrette l’avocat de M. Bin Atef.