Des objets nazis découverts en Argentine
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Un buste d’Adolf Hitler, une loupe qui lui aurait appartenu, des statues d’aigles impériaux, des instruments médicaux permettant de mesurer les crânes pour établir les standars de la race aryenne… ce sont quelques-uns des 75 objets à la gloire du IIIe Reich retrouvés par la police dans une cache secrète d’un appartement d’une banlieue de Buenos Aires, une des plus grosses collections d’objets nazis retrouvés dans la région.

Plus de soixante-dix ans après la fin de la seconde guerre mondiale, des traces des nombreux nazis et autres criminels de guerre européens qui ont trouvé refuge en Argentine, sous le premier gouvernement du général Juan Domingo Peron (1946-1955), réapparaissent régulièrement sur le devant de la scène à Buenos Aires.

Cette dernière découverte spectaculaire, qui inclut également des jeux pour enfants et des bibelots portant la croix gammée, était cachée dans le logement d’un collectionneur d’art qui vendait des antiquités. Après huit heures de fouilles, la police est tombée sur une cache, derrière un faux mur, masquée par une bibliothèque.

Impunité

La ministre de la sécurité, Patricia Bullrich, qui s’est dite « bouleversée », a indiqué mardi 20 juin que ces objets seraient donnés au musée de l’Holocauste de Buenos Aires. Sans doute destinés au marché noir, tous ces objets sont estimés originaux par les autorités argentines, mais les experts doivent encore se prononcer. Aucune personne n’a été arrêtée, mais des historiens ont été mobilisés pour déterminer quand et comment cette collection était entrée en Argentine. La police a par ailleurs saisi des dizaines d’antiquités préhistoriques, égyptiennes, chinoises et japonaises, également destinées à la revente illicite.

Des pièces d’« art nazi » saisies par la police lors d’une opération qui s’est déroulée le 9 juin à Buenos Aires. | JUAN MABROMATA / AFP

« Cette enquête constitue un vrai apport à la mission institutionnelle de lutte contre l’antisémitisme et contre toute forme de discrimination », a réagi la Délégation des associations israélites argentines (DAIA), qui représente la communauté juive d’Argentine – la plus importante d’Amérique latine, avec plus de 300 000 membres.

En mars 2015, des archéologues argentins avaient découvert des bâtiments en ruine dans la province de Misiones (1 100 km au nord-ouest de Buenos Aires), qui auraient été destinés à accueillir des hauts dirigeants du IIIe Reich en fuite. Des milliers de nazis, mais aussi des oustachis croates et des fascistes italiens, se sont installés en Argentine après la guerre, grâce à la protection du général Peron. Face à l’impunité dont ils bénéficiaient, un commando israélien avait enlevé Adolf Eichman, le 11 mai 1960, dans la localité de San Fernando, dans la province de Buenos Aires, où vivait depuis dix ans l’organisateur de la « solution finale ». Il fut conduit clandestinement en Israël où il fut jugé et pendu deux ans plus tard.

Longue liste

La liste des dignitaires nazis qui ont pu vivre paisiblement en Argentine est longue. Parmi eux, Joseph Mengele, surnommé « l’ange de la mort », responsable d’expérimentations sur des êtres humains à Auschwitz. Il était arrivé en 1949 à Buenos Aires, mais avait préféré s’enfuir par la suite au Paraguay après l’enlèvement d’Eichmann. Il serait mort au Brésil en 1979, à l’âge de 67 ans. Walter Kuschmann, un des chefs de la Gestapo en Pologne, Ante Pavelic, chef du régime oustachi en Croatie ou encore Eduard Roschmann, baptisé le « boucher de Riga », ont également trouvé refuge en Argentine.

En 1990, l’ancien officier SS Josef Franz Schwammberger, accusé d’avoir assassiné 5 000 Juifs polonais, a été extradé vers l’Allemagne après avoir vécu plus de vingt ans en Argentine sans être inquiété. En 1995, l’ancien SS Erich Priebke a été extradé vers l’Italie et condamné à la prison à vie pour le massacre des Fosses ardéatines à Rome, en 1944. Les nazis avaient fusillé sommairement 335 civils italiens, dont 70 juifs, en représailles à un attentat qui avait fait 32 morts. Priebke est mort en prison, en 2013, à l’âge de 100 ans. Il avait été retrouvé, en mai 1994, par une chaîne de télévision américaine à Bariloche (1 450 km au sud de Buenos Aires), la grande station touristique de Patagonie, où l’ancien capitaine de la Gestapo coulait une vie tranquille, avec sa famille, depuis 1946.

En 1998, le fasciste Dinko Sakic, ex-commandant du camp de concentration de Jasenovac, a été extradé en Croatie. Des dizaines de milliers de personnes, dont des Serbes, des Juifs, des Tziganes et des Croates hostiles au régime oustachi avaient trouvé la mort à Jasenovac.