Angela Merkel et Emmanuel Macron, à Bruxelles le 23 juin. | Olivier Matthys / AP

Editorial du « Monde ». Féru de théâtre, Emmanuel Macron a le sens de la mise en scène. Il l’a démontré à l’issue du Conseil européen des 22 et 23 juin à Bruxelles, en tenant la traditionnelle conférence de presse finale non pas seul mais avec la chancelière allemande, Angela Merkel. Cette initiative commune a une portée symbolique évidente, celle du redémarrage du fameux moteur franco-allemand, sans lequel aucune avancée en Europe n’est possible. Cette entente franco-allemande, a relevé M. Macron, n’est pas toujours « la condition suffisante », mais elle est « en tout cas la condition nécessaire ».

Le président français n’est pas moins féru d’histoire. Il n’a donc pas manqué de rappeler l’œuvre essentielle, à cet égard, d’Helmut Kohl, qui vient de disparaître, et de François Mitterrand. Les temps sont différents, l’Union européenne plus complexe, les Etats-Unis moins prévisibles, les défis multidimensionnels. Une étroite coopération entre Paris et Berlin n’en est que plus indispensable. Pour être efficace, elle doit aller au-delà de l’affichage et de la communication. Emmanuel Macron a parlé « d’éthique de travail et de volonté de travail commun ». La méthode est, en effet, un élément essentiel de la collaboration.

Cette entente franco-allemande revivifiée peut porter ses fruits dans deux domaines : celui de la défense européenne et celui de la question migratoire. Mme Merkel et M. Macron partagent la volonté de progresser sur ces deux dossiers difficiles, face à un contexte international qui en impose l’urgence. Un autre sujet, celui du renforcement de la zone euro, est apparu ces derniers jours comme un point d’accord possible, avec des propos bienveillants de la chancelière allemande sur les propositions du président français et une évolution sensible des esprits dans le débat croissance/austérité.

Un excellent départ

L’engagement d’Emmanuel Macron sur la réforme du statut des travailleurs détachés va demander plus d’efforts. Il n’est pas prioritaire pour Angela Merkel. La chancelière allemande est prête à appuyer son nouvel ami français, mais il incombe à ce dernier de négocier cette épineuse question avec les pays d’Europe centrale, qui ont peu apprécié de se faire sèchement faire la leçon par le président français, qui plus est par voie de presse. Pouvoir compter sur l’Allemagne lorsque l’on traite avec les pays d’Europe centrale est capital, mais l’appui de l’Allemagne n’est garanti qu’à condition de ne pas pousser l’affrontement trop loin.

Enfin, Emmanuel Macron aura besoin de déployer tout son pouvoir de persuasion à l’égard d’Angela Merkel sur les questions liées au commerce et au libre-échange. Les deux dirigeants ont des philosophies différentes sur cet aspect fondamental de la mondialisation. M. Macron veut une « Europe qui protège » ; Mme Merkel redoute que l’on confonde protection et protectionnisme. Ce premier Conseil européen aura été, à cet égard, une leçon pour le chef de l’Etat français, qui n’a pas réussi à faire bouger ses partenaires sur le contrôle des investissements chinois dans les secteurs stratégiques.

C’est néanmoins un excellent départ. Un vent d’espoir souffle sur Bruxelles depuis l’élection d’un président français résolument pro-européen, ostensiblement soutenu par une chancelière allemande elle-même bien placée pour être réélue en septembre. Cerise sur le gâteau, la croissance économique repart. Si ce n’est pas un alignement des planètes, cela y ressemble.