S’offrir Tati, c’est un peu comme un rêve de gosse pour Philippe Ginestet, l’original patron de l’enseigne Gifi – qu’il a appelé ainsi car GI pour Ginestet et Fi pour Philippe –, spécialisée dans l’équipement de la maison et de la famille à petit prix. C’est le tribunal de commerce de Bobigny qui a rendu ce rêve possible en désignant, lundi 26 juin, Gifi comme repreneur de Tati et des trois autres enseignes en difficulté d’Agora Distribution (groupe Eram), une offre qui permet de sauver 1 428 emplois sur les 1 700 menacés, en conservant 109 des 140 magasins.

Pour M. Ginestet, cette victoire sur son principal concurrent, un consortium composé de La Foir’Fouille, Centrakor, Stokomani, Maxi Bazar et Dépôt Bingo, est une manière de montrer qu’il règne en maître sur un empire de solderies, de couronner un peu plus une carrière dans le discount.

Lui, le fils de maquignons du Lot-et-Garonne, peu intéressé par les études, qui a passé une grande partie de sa vie sur les braderies et les marchés. Avant de créer en 1981, l’enseigne 100 % familiale « pour avoir un toit et assurer la scolarité de mon fils. En 35 ans, je suis passé d’une petite société basée à Villeneuve-sur-Lot, à 6 500 collaborateurs et 528 magasins », expliquait-il au Monde lors l’ouverture de son premier magasin parisien le 18 octobre 2016. Il s’en dit aujourd’hui « très content. Les ventes correspondent à nos prévisions ». En 2016, il a ouvert 23 magasins et prévoit d’en faire autant en 2017.

Travailleur compulsif

En trente-cinq ans, tout a changé. Il a même fait son entrée en 2017 dans le top 30 des grandes fortunes françaises du magazine Forbes (1,6 milliard de dollars). Sa société personnelle GPG, maison-mère de Gifi, vise dans son projet stratégique 2027, environ 1 000 magasins et les 10 000 collaborateurs, en France et à l’international. Gifi a enregistré un chiffre d’affaires de 1,2 milliard d’euros en 2016 (clos au 30 septembre. L’enseigne est présente aussi dans les DOM-TOM, en Espagne, en Afrique, et avec un partenariat, en Belgique.

Philippe Ginestet a toujours voulu « réussir, sans avoir pensé exactement ce que ça pouvait signifier », rêvait « d’avancer de progresser » et n’a « jamais eu peur de l’échec », comme il le racontait à LaDépêche.fr en septembre pour l’inauguration du magasin Gifi de Bias (Landes). « Des échecs, j’en ai eu, ce n’est pas un problème, c’est ce qui permet d’apprendre, tout comme j’apprends chaque jour avec mes collaborateurs. » Il confesse ne pas avoir « été très sérieux jusqu’à mes 18 ans », avoue avoir voulu « étonner mes parents  », « leur prouver que je pouvais être le meilleur dans leur métier », la vente.

Travailleur compulsif, le personnage détonne dans les milieux économiques tant par sa gouaille que par son habitude de travailler en famille. Que ce soit avec son fils Alexandre, directeur général de Gifi depuis 2008 ou sa deuxième épouse, Brigitte aussi sa plus proche collaboratrice, qui, en tailleur pantalon bleu dur, caniche sous le bras, vérifie que tout est bien en place lors d’une conférence de presse parisienne.

Attaqué dans un taxi

M. Ginestet possède avant tout l’âme d’un vendeur. « On n’a pas de véritable concurrent mais on a beaucoup de concurrents : Hema, Casa, Action, La Foir’fouille…., expliquait-il en octobre. Ce qui est important, c’est d’avoir une bonne visibilité des produits. Il faut qu’un magasin soit rangé. Aujourd’hui, on n’a plus envie de fouiller. Avant en fouillant, on avait l’impression de faire des affaires. Aujourd’hui, avec Internet, il faut que ce soit rangé, on a envie d’aller vite. » Et surtout, que les produits et les prix correspondent à la renommée de l’enseigne. Dans le dossier Tati, il confiait au Monde, fin avril « qu’il faut bien cibler le type de marchandise par rapport à ce que représente la marque Tati. Ce sont des beaux magasins, mais qui ont eu tendance à aller trop vers des produits mode et haut de gamme. »

Outre ses succès dans les affaires, Philippe Ginestet a fait – contre son gré – la « une » des faits divers. En octobre 2016, le chef d’entreprises s’est fait attaqué à bord d’un taxi à sa sortie de l’aéroport du Bourget (Seine-Saint-Denis) par trois hommes qui lui ont dérobé bagages, montres et bijoux, pour un total estimé à 100 000 euros.