Deux hommes posent devant le logo de Telegram. | Dado Ruvic / REUTERS

Lundi 26 juin, les services de sécurité russes (FSB) ont dévoilé les premières conclusions de leur enquête sur l’attaque terroriste du métro de Saint-Pétersbourg, qui avait fait 16 morts le 3 avril. L’occasion de porter un nouveau coup à l’application de messagerie Telegram, régulièrement accusée d’être utilisée par des réseaux djihadistes pour leurs communications : « le FSB a reçu des informations fiables sur l’utilisation de Telegram par le kamikaze, ses complices et leur responsable à l’étranger pour dissimuler leurs plans criminels. » L’attentat de Saint-Pétersbourg avait été revendiqué au nom d’Al-Qaida par un groupe disant s’appeler le « Bataillon de l’imam Chamil ».

Déjà montrée du doigt après les attentats de Paris en 2015, l’application lancée en 2013 par le Russe Pavel Dourov et son frère Nikolaï, permet à ses utilisateurs de s’échanger des messages textes et vocaux, des photos, des vidéos, ainsi que de créer des chaînes de diffusion de manière très anonyme et sécurisée. En pratique, seules les conversations « secrètes » – une option du service – sont chiffrées de bout en bout. Le succès de cette application de messagerie tient de cette option, qui assure la confidentialité des échanges et de son refus de principe de communiquer les données de ses utilisateurs aux autorités.

Des projets de loi visant à contrôler l’Internet russe

Les déclarations du FSB interviennent alors que l’agence russe de régulation des médias et télécommunications Roskomnadzor a menacé vendredi de bloquer la messagerie si elle ne lui fournissait pas des informations sur sa société gérant ce service conformément à de nouveaux amendements. « Le Kremlin considère Internet comme une source d’inquiétude pour la sécurité nationale », autant concernant les mouvements extrémistes que sur le plan politique, ont récemment relevé les analystes du centre Eurasia Group. « Avant la présidentielle de 2018, les contrôles sur les contenus, les exigences d’enregistrement et les demandes de localiser les données [en Russie] vont s’intensifier. »

L’Internet russe connaît ces dernières années un tour de vis des autorités et la tendance se renforce actuellement sur fond de lutte antiterroriste. La Douma étudie un projet de loi contraignant les utilisateurs à s’identifier par un numéro de téléphone pour utiliser les messageries. Vendredi, les députés ont aussi adopté en première lecture un projet de loi visant les VPN, des connexions privées utilisées pour sécuriser l’accès à Internet, au motif qu’elles permettent de consulter des sites bloqués.

Il apparaît pourtant peu réaliste que la Russie puisse contraindre Pavel Dourov à donner au Kremlin des informations sur ces utilisateurs. Depuis sa création, l’application de messagerie a tout fait pour se mettre à l’abri des Etats, que ce soit en matière fiscale ou judiciaire, éparpillant ses serveurs, ses équipes et ses entités juridiques dans différents Etats. « Les autorités étatiques ne disposent pas de véritable moyen de coercition sur une société qui est établie dans plusieurs Etats et dont les actionnaires et les serveurs sont disséminés dans le monde entier, expliquait en septembre au Monde François Buthiau, avocat spécialisé en droit international pénal. Cette complexification des systèmes ne va pas dans le sens de la coopération avec les autorités judiciaires. »