Un employé d’EDF devant le site du chantier de l’EPR de Flamanville (Manche), un réacteur nucléaire de troisième génération. | Benoit Tessier / REUTERS

Un groupe d’experts réuni au siège de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a entamé, lundi 26 juin, une réunion de deux jours à l’issue de laquelle il donnera un avis sur l’état de la cuve de l’EPR de Flamanville (Manche). En avril 2015, cette autorité indépendante avait révélé que des anomalies – qualifiées de « très sérieuses » par son président, Pierre-Franck Chevet – avaient été découvertes dans l’acier de cette chaudière où se produit la réaction nucléaire.

Fin 2016, Areva et EDF ont remis un dossier sur cette cuve, un élément de 420 tonnes forgé dans l’usine Areva de Creusot Forge (Saône-et-Loire) en 2006-2007. Pour le fabricant de ce composant et son futur exploitant, elle a passé quelque 2 000 tests et contrôles avec succès, en présence d’ingénieurs de l’ASN.

Ces tests devaient permettre de s’assurer que, malgré la trop forte concentration en carbone de son fond et de son couvercle, la cuve de l’EPR, réacteur nucléaire à eau pressurisée de troisième génération, est capable de résister aux chocs thermiques et aux fortes pressions, y compris à des situations accidentelles.

Des conditions strictes

Mardi, à l’issue de la réunion, le groupe permanent d’experts pour les équipements sous pression nucléaires donnera d’abord son avis, notamment sur la base d’un rapport de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) analysant les tests d’Areva et EDF. Il s’apprête à rendre un avis positif.

Puis l’ASN elle-même fournira le sien. Son feu vert provisoire sera formalisé dans un « projet de position » soumis à une « consultation du public » jusqu’en septembre. L’autorité indépendante rendra un verdict définitif au début de l’automne.

Les autorités de contrôle devraient assortir leur approbation de conditions très strictes. Iront-elles jusqu’à exiger le remplacement du seul couvercle, partie la plus sensible de la cuve en raison des orifices permettant d’introduire les barres de contrôle de la réaction neutronique ?

Une surveillance accrue de la cuve

Il est acquis, en tout cas, qu’elles demanderont une surveillance accrue de la cuve. Voire, au début, une exploitation à puissance réduite par rapport aux capacités du réacteur, ce qui ferait perdre de son intérêt au réacteur économique le plus puissant du monde avec ses 1 650 mégawatts (MW).

Mais la décision réglementaire (et non plus technique) autorisant la mise en service de cette pièce maîtresse de l’îlot nucléaire de la centrale n’interviendra pas avant la fin de 2017 ou le début de 2018, une fois achevée la mise sous pression hydraulique du circuit primaire permettant de vérifier son étanchéité.

Le contrôle de la cuve (et de tout le circuit primaire) est impératif. Après les gaines de zirconium renfermant les pastilles d’uranium enrichi et plongées dans la cuve, cette dernière est en effet la deuxième barrière de sûreté contre la radioactivité en cas d’accident, la troisième étant constituée par la double enceinte de béton armé du bâtiment abritant le réacteur EPR.

Plusieurs années de retard

Les dirigeants d’EDF avaient reconnu qu’ils n’avaient « pas de plan B », persuadés que cette cuve passerait les tests avec succès. En cas de refus de l’ASN, EDF aurait dû la démonter, puisqu’elle a été introduite dans le bâtiment réacteur début 2014 et que les raccordements aux quatre générateurs de vapeur, à l’aide de soudages complexes, ont été effectués au cours des trois dernières années. Le chantier aurait été retardé de plus d’un an, entraînant une nouvelle dérive des coûts.

EDF affirme que l’EPR de Flamanville démarrera fin 2018 – avec six ans de retard et une multiplication par trois du devis initial (pour atteindre 10,5 milliards d’euros). L’approbation de la cuve par l’ASN fait partie des conditions mises par la Commission européenne pour autoriser le rachat d’Areva NP, fabricant des réacteurs, par EDF. La recapitalisation d’Areva (5 milliards d’euros) prévue cette année est elle aussi soumise au préalable d’un feu vert sur la cuve.

Dans une pétition signée par près de 35 000 personnes, le Réseau Sortir du nucléaire demande à l’ASN de ne pas homologuer la cuve. Selon une de ses responsables, Charlotte Mijeon, « ce serait scandaleux de faire primer les avantages à court terme des industriels sur les principes de sûreté de base et donc sur la sécurité de la population ».