Le hall d’entrée du cinéma Utopia à Bordeaux. | BORDEAUX TOURISME

« Laissez tomber, ça ne va jamais marcher, Bordeaux n’est pas une ville de cinéma. » En 2012, quand Johanna Caraire et Pauline Reiffers décident de créer dans leur ville un festival de cinéma indépendant, elles ne reçoivent pas que des encouragements. Cinq ans plus tard, leur Festival international du film indépendant de Bordeaux (Fifib) s’est fait une belle place dans le paysage cinéphile de l’automne, se disputant, avec La-Roche-sur-Yon, Belfort et Angers, les meilleurs films des jeunes auteurs et les faveurs de la presse nationale.

Autour du cinéma du réseau indépendant Utopia, cœur battant de la cinéphilie bordelaise installé dans une ancienne église du centre-ville, la manifestation n’a cessé de croître, affirmant son identité festive et branchée autour de ses trois compétitions, d’une programmation musicale audacieuse, du laboratoire de création qu’elle anime par un système de bourses d’écriture, d’aides à la postproduction, d’ateliers de coproduction. Mais aussi des événements hors les murs qu’elle organise au long de l’année.

Arrivée de la ruche Capricci

Le 24 juin, en prélude à la saison Paysages (qu’il clôturera du 19 au 25 octobre), le Fifib investissait ainsi l’espace rétrofuturiste de la dalle de Mériadeck, utopie architecturale des années 1960 principalement occupée par des bâtiments administratifs et déserte la nuit, pour y animer une soirée de projection, conférence et DJ Set autour de l’architecture et de l’urbanisme dans le cinéma de science-fiction.

L’aventure du Fifib s’inscrit dans une dynamique plus globale de développement de la filière cinématographique bordelaise, conjointement favorisée par une inflexion auteuriste de la politique régionale d’aide au cinéma, et par l’attractivité globale de la ville. L’arrivée en 2015 de la petite ruche Capricci en fut un marqueur fort. Parisienne à l’origine, cette société, qui est à la fois productrice, distributrice, éditrice (de livres et du magazine So Film, avec le groupe So Press de Franck Annese), a aujourd’hui un pied à Bordeaux et l’autre à Nantes, où elle a monté il y a trois ans le So Film Summer Camp.

La « décontraction » revendiquée de ce festival a immédiatement séduit Claire Andries-Roussennac, directrice des affaires culturelles de Bordeaux et responsable de la programmation de Paysages. L’esprit ludique, festif et gentiment transgressif du magazine So Film lui paraissait taillé sur mesure pour Darwin, écosystème écolo-artistico-socialo-capitaliste installé dans une ancienne caserne de pompiers sur la rive droite de la Garonne.

Le film « Okja » en projection publique

C’est là, entre le potager bio, le club de skate autogéré, le gigantesque espace de coworking, le dépôt Emmaüs et l’espace d’hébergement d’urgence qu’auront lieu, en soirée, du 6 au 9 juillet, les projections en plein air, séances de karaoké et autres festivités de ce nouvel avatar bordelais du So Film festival, baptisé pour l’occasion Les Tropicales. « J’aime l’idée que les gens qui viendront au festival seront aussi des gens qui viennent à Darwin », s’enthousiasme Claire Andries-Roussennac. « Et réciproquement ! », ajoute Thierry Lounas, le bouillonnant directeur de Capricci.

Les Tropicales investissent par ailleurs l’Utopia, où auront lieu toutes les projections en salle, et notamment celle d’Okja, du Coréen Bong Joon-ho, fabuleux conte écolo produit par Netflix qui fit tant de bruit à Cannes, et dont Thierry Lounas a obtenu, simultanément à sa mise en ligne sur la plate-forme de VOD, qu’il soit projeté sur grand écran pour le public de ses deux festivals d’été.

OKJA Bande Annonce VF (Netflix // 2017)

Après des mois de vaches maigres, qu’il met sur le compte des élections et du (trop ?) beau temps qui a suivi, Patrick Troudet, le directeur de l’Utopia, mise beaucoup sur Les Tropicales pour redynamiser la fréquentation de son lieu, et notamment sur l’effet Okja. « On devra peut-être le programmer gratuitement – tout dépend du type de visa qu’on obtient –, mais peu importe. Ce qui compte c’est de pouvoir montrer ce film, qui est un film de cinéma, dans une salle. Refuser de le faire, c’est mener un combat d’arrière-garde ! » Qui oserait encore dire que Bordeaux n’est pas une ville de cinéma ?

Les Tropicales, 87 quai des Queyries, du 6 au 9 juillet, de 8 h 30 à 20 heures.
Le Fifib, du 18 au 25 octobre.

Ce supplément a été réalisé en partenariat avec Bordeaux-Métropole