T411 est un site permettant de télécharger des films et des musiques. | Quentin Hugon

Depuis dimanche 25 juin, T411, l’un des principaux sites francophones de téléchargement de films et de musique, n’est plus accessible. Les autorités françaises, conjointement avec les forces de l’ordre suédoises, ont arrêté lundi six personnes impliquées dans cette plateforme, en France et en Suède. Tout est parti d’une plainte déposée en 2014 par la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), pour contrefaçon en bande organisée. Entretien avec son secrétaire général, David El-Sayegh.

Que savez-vous du profil des personnes arrêtées en France ?

David El-Sayegh : Ce sont des « supermodérateurs ». Leur rôle était de regarder les contenus mis à disposition sur le site, d’enlever les faux contenus et de modérer les forums. Bref, de fluidifier les échanges illicites. Ils encouragent les gens à « uploader » [mettre en ligne] des contenus, ils rendent le service plus performant, plus agréable pour l’utilisateur. On est bien sur une bande organisée : il y a des administrateurs, des codeurs, des modérateurs, une régie publicitaire… Il y a toute une architecture humaine mise à disposition pour en faire un site ultraperformant.

Le préjudice est conséquent. Uniquement pour la Sacem, il est évalué à ce stade à 3 millions d’euros. Il faut ajouter à cela le préjudice des producteurs de films. On estime les gains réalisés par les administrateurs du site à hauteur de 6 millions d’euros. Ce ne sont pas des pirates du dimanche, ce sont des professionnels de la contrefaçon.

Un serveur a été saisi, est-ce que les données des internautes utilisant T411 sont lisibles ? Allez-vous vous retourner contre eux ?

Les données sont exploitables. Vous laissez beaucoup de traces sur Internet. Mais ce qu’on visait principalement, c’est ceux qui se faisaient de l’argent sur le dos des créateurs. L’important pour nous, c’est de démanteler les infrastructures et de faire cesser le préjudice.

Cela veut dire que vous n’allez pas porter plainte contre les utilisateurs ?

On verra. Ce n’est pas exclu, la question reste en suspens. Si on a des informations sur des utilisateurs qui mettaient à disposition une grande quantité de contenus, il n’est pas exclu d’étendre la plainte à d’autres personnes. Il n’y a pas d’impunité sur Internet.

Ces derniers mois ont vu tomber d’autres grands sites de téléchargement contre lesquels vous aviez porté plainte, comme Zone Téléchargement et What.cd. Pensez-vous être en train de gagner la bataille ?

Il faut rester modeste, mais on a franchi un cap. De là à dire que c’est gagné… C’est un travail de longue haleine, qui commence à porter ses fruits. On ne va pas se mentir, il y aura d’autres sites. Mais tout le monde améliore ses compétences : nous, les forces de l’ordre… On appréhende mieux ces nouvelles formes de délinquance.

De nombreux internautes se montrent très déçus par la fermeture du site ; que leur répondez-vous ?

Les pauvres ! Qu’ils aillent vers l’offre légale, qu’ils essaient ! Il faut arrêter de prendre les gens pour des imbéciles. L’offre légale s’est considérablement développée. Pour la musique, elle est aussi bonne, voire meilleure, que l’offre illégale. Certains diront qu’elle n’est pas aussi performante, qu’il manque ce morceau ou celui-là…

Mais c’est un prétexte. Les gens qui piratent, la vérité c’est qu’ils ne veulent pas rémunérer la création. L’offre légale est toujours perfectible, mais on a atteint un niveau suffisamment satisfaisant pour ne pas utiliser ce genre de prétexte qui pouvait marcher en 2004. Aujourd’hui, pour 10 euros par mois, vous avez accès à 30 millions de titres ! Il faudrait plusieurs vies pour pouvoir tout écouter. Même sur l’audiovisuel, les progrès sont considérables.