Le contrôle d’un des 600 immeubles d’habitations de l’Angleterre ( ici à Salford), le lundi 26 juin. | PAUL ELLIS / AFP

Après le terrible incendie de la tour Grenfell à Londres, dans la nuit du mardi 13 au mercredi 14 juin, dans lequel ont péri au moins 79 personnes, les professionnels de la construction ont rapidement soupçonné le revêtement extérieur de ce bâtiment d’être responsable de la foudroyante propagation des flammes. La tour de 24 étages avait, en effet, été rénovée en 2016 et son procédé d’isolation par l’extérieur comprenait un isolant à base de mousse polyisocyanurate (PIR), enfermée entre deux minces couches d’aluminium, un bardage synthétique de polyéthylène, le tout séparé du bâtiment par une lame d’air.

« Le PIR est un matériau très performant pour l’isolation thermique, deux fois plus que la laine de roche ou de verre, détaille Jean-Charles du Bellay, spécialiste de la sécurité incendie à la Fédération française du bâtiment (FFB), mais il est inflammable et, lorsqu’il brûle, très toxique puisqu’il dégage du cyanure d’hydrogène. La lame d’air a, au surplus, joué un rôle de cheminée, accentuant la remontée des gaz de combustion et des flammes ». Immédiatement ordonnée sur 600 immeubles d’habitation revêtus d’un matériau similaire dans l’ensemble de l’Angleterre, une inspection a permis d’établir que 75 d’entre eux ne sont pas conformes.

Un tel drame peut-il se produire en France ? Le pays a été traumatisé par deux incendies particulièrement meurtriers : celui de la boîte de nuit « Le 5-7 », en novembre 1970, en Isère, où 146 personnes dont 55 mineurs (moins de 21 ans, à l’époque) ont perdu la vie, et, le 6 février 1973, celui du collège de la rue Edouard Pailleron, à Paris 19ème, où l’on déplora 20 morts dont 16 enfants.

Des normes de sécurité incendie très sévères ont alors été adoptées, en particulier pour les établissements recevant du public et les immeubles dits de grande hauteur, plus de 28 mètres (hauteur maximale d’une échelle de pompiers, soit neuf étages). Depuis le 18 octobre 1977, les matériaux employés doivent être incombustibles (classe M0, sur une échelle qui va jusqu’à M5, très facilement inflammable) et tous travaux de construction comme de rénovation doivent faire l’objet d’un permis de construire, d’une autorisation soumise au préfet, d’une surveillance par un bureau de contrôle agréé et d’une réception des travaux par la commission de sécurité du service départemental incendie (les pompiers).

Un audit de la réglementation française réclamé

La France aurait donc la réglementation la plus stricte d’Europe, mais elle n’est pas sans faille : les immeubles d’habitation de plus de 28 mètres de haut, construits entre 1960 et 1970 – et ils sont nombreux – en sont, par exemple, exclus. « Depuis la circulaire du 13 décembre 1982, les travaux de rénovation et d’amélioration des bâtiments ne doivent pas dégrader la sécurité incendie mais, au contraire, l’améliorer », précise Christophe Boucaux, de l’Union sociale de l’habitat (les bailleurs sociaux).

Malgré ces précautions, plusieurs accidents sont survenus. En mai 2012, l’incendie de la tour HLM Mermoz, à Roubaix (Nord), causait la mort d’une personne et faisait dix blessés graves. L’isolation en façade était également en cause dans ce drame et la procédure d’établissement des responsabilités est toujours en cours. A l’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), la mise à feu volontaire d’une boîte aux lettres, le 4 septembre 2005, causait, à la suite d’un incendie généralisé, la mort de 18 personnes intoxiquées par les émanations du lambris de l’entrée en feu. « Notre arsenal français est orienté vers les mesures d’évacuation, prévoyant matériaux résistants, portes coupe-feu, cages d’escaliers protégées, afin de laisser le temps d’évacuer l’immeuble de ses occupants, mais ne tient pas assez compte des émanations toxiques, gaz chlorhydrique ou cyanurique, des matériaux enflammés », insiste Alain Bornarel, fondateur du bureau d’études (énergies et développement durable) Tribu.

Après l’incendie londonien, dès le 19 juin, le ministre de la cohésion des territoires, alors Richard Ferrand a commandé, au Centre scientifique et technique du bâtiment et à son directeur technique Charles Baloche, un audit de la réglementation française, à remettre fin juin-début juillet au nouveau ministre, Jacques Mézard.

Ce drame vient cependant rappeler qu’alléger les normes de construction, comme le réclament de nombreux promoteurs, n’est pas sans danger.