Il n’aura fallu que deux jours aux novices tout juste arrivés sur les bancs de l’hémicycle pour se familiariser avec les tours de passe-passe dont l’Assemblée nationale a le secret.

Le groupe des « constructifs », rassemblant des élus de droite et de l’UDI, plutôt favorables à Emmanuel Macron, avait suscité l’intrigue en annonçant qu’il se déclarerait « dans l’opposition » au sein du Palais-Bourbon. Ils ont dévoilé leur jeu, mercredi 28 juin, dans un coup de poker à incidences multiples.

Les députés devaient se prononcer à 15 heures sur les nominations au bureau de l’Assemblée nationale. En jeu : six postes de vice-présidents, douze de secrétaires et trois de questeurs, ces derniers étant chargés de la gestion administrative et financière de l’institution. En général, ces nominations sont discutées et négociées par les présidents de groupe qui tombent d’accord pour répartir les postes entre la majorité et l’opposition. Deux postes de vice-président et un poste de questeurs sont notamment réservés à cette dernière. La séance ne devait donc être qu’une simple procédure : les présidents devant s’accorder pour présenter autant de candidats que de postes et éviter ainsi un vote.

« Personne ne vous croit ! »

Sauf qu’à 14 heures 45, coup de théâtre. Thierry Solère, député LR « constructif », qui n’avait pas encore pris de poste à responsabilité, a annoncé sa candidature au poste de questeur, au mépris de l’usage réservant ce poste au groupe d’opposition le plus important (le groupe LR, donc). Un vote était donc nécessaire pour départager les quatre candidats : Florian Bachelier et Laurianne Rossi du groupe LRM, M. Solère et Eric Ciotti, désigné dans la matinée pour être le candidat du groupe Les Républicains.

La bataille de poste s’est donc mue en nouveau règlement de compte d’une droite fracturée en deux groupes, dont Thierry Solère a remporté le premier round. A 17 heures, François de Rugy annonçait depuis le perchoir que le député des Hauts-de-Seine était, à l’instar des deux députés LRM, élu questeur, avec les voix de la majorité. « Les jeunes, ce qu’ils veulent, c’est la peau de Ciotti », commentait un vieux connaisseur de l’Assemblée pour justifier le vote des députés de la majorité en faveur du député constructif.

« Les droits de l’opposition sont bafoués » s’est insurgé le patron du groupe LR, Christian Jacob immédiatement après l’annonce du résultat. « Nous sommes dans l’opposition », lui a rétorqué Franck Riester, co-président du groupe des « constructifs », avant de se voir répondre dans l’hémicycle : « Personne ne vous croit ! »

De concert avec M. Jacob, Jean-Luc Mélenchon à la tête du groupe La France insoumise a réclamé – et obtenu – une réunion des présidents de groupe pour la suite de la négociation. C’est que ce coup de force pour installer à des postes normalement réservés à l’opposition un élu du groupe « macroncompatible » pourrait connaître un deuxième volet dès jeudi.

La tête de la commission des finances est elle aussi réservée à l’opposition, et les « constructifs » ont annoncé qu’ils présenteraient à sa tête l’UDI Charles de Courson face, entre autres, à Eric Woerth désigné par Les Républicains. Comme pour donner des gages d’indépendance à l’égard de l’exécutif, M. De Courson a annoncé dans la journée sur son compte Twitter que, mardi 4 juillet, il s’abstiendrait lors du vote de confiance au gouvernement.